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qui furettent dans tous les coins, auront bien vite reconnu tous les objets, et, après une inspection même rapide, sa mémoire gardera le souvenir fidèle et précis des détails les plus insignifiants. Georges a quatre ans : il est à table auprès de son père et de son oncle qui reviennent de la foire du village voisin et qui s’entretiennent de tout ce qu’il y ont vu. Georges qui a gardé le silence depuis un gros moment s’écrie tout à coup : « Je vois toute la foire. » Ici l’enfant témoignait de son aptitude à se représenter sans effort même les choses qu’il n’a pas eues sous les yeux et dont il a seulement entendu parler. Comment s’étonner qu’un être doué d’une telle promptitude d’imagination en vienne aisément à confondre ses conceptions et ses perceptions, l’image et la réalité ?

Le cauchemar, qui est comme l’hallucination de l’homme endormi, a été fréquemment observé chez les enfants. Et ces illusions du sommeil se continuent pendant la veille. « Des enfants, dit le Dr Thoré, au moment où ils se réveillent, les yeux déjà parfaitement ouverts, voient très distinctement auprès d’eux, et le plus souvent sur le mur, se dessiner des objets plus ou moins effrayants et qu’ils décrivent aussi bien que leur intelligence le permet. » Parfois au contraire le réveil efface entièrement les impressions de la nuit : « L’enfant, dit M. Maudsley, se met à crier tout endormi ; ses yeux sont ouverts : ses membres frissonnent de peur ; il ne reconnaît pas les parents ou les amis qui veulent le calmer… Le matin, il ne se rappelle plus la frayeur qu’il a éprouvée[1]. »

On remarquera que les hallucinations de la vue sont les plus fréquents chez les enfants. C’est que le nouveau-né est tout yeux avant d’être tout oreilles. Le docteur Berckham rapporte cependant l’observation d’un enfant de trois ans atteint d’une hallucination de l’ouïe[2]. Mais, sous quelque forme qu’elle se présente et quel que soit le sens affecté, l’hallucination n’est qu’un élément de la folie, une folie partielle. Chez l’enfant comme chez l’homme mûr, l’aliénation de la perception extérieure peut coexister avec la santé générale des autres facultés et n’être suivie d’aucun autre symptôme délirant. Il nous reste à montrer que les folies générales, auxquelles l’hallucination peut se mêler, mais qu’elle ne constitue pas, qui atteignent l’esprit tout entier et que compliquent les plus graves désordres, ne sont pas non plus épargnées à l’enfance.

  1. Maudsley, op. cit., p. 203.
  2. Voyez Annales médico-psychologiques, 1867, t. I, p. 327.