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sidérable, des causes morales. Pour la folie de l’enfance, nous croirions volontiers, à raison de la nature d’un être où la vie morale est à ses débuts, que le rapport est renversé et que les causes physiques prédominent.

Voici quelques exemples de désordres intellectuels uniquement déterminés par des accidents J matériels et des maladies du corps. Fr. Engelken parle d’un enfant de dix ans atteint de chorée et consécutivement de délire, à la suite de l’extraction d’une dent[1]. Forbes Winslow cite le cas d’un garçon de six ans qui fut atteint de convulsions et pris d’un accès de manie pendant la dentition[2]. Nous avons déjà relaté l’observation d’un enfant qui devint maniaque à la suite de la vaccination. Chez d’autres, la folie succède à la petite vérole[3], à la fièvre typhoïde[4]. Guislain a observé une petite fille de sept ans dont les accès maniaques furent provoqués par un coup reçu à la tête. « L’exemple le plus frappant d’aliénation mentale chez les enfants qu’il m’ait été donné d’observer, écrit le Dr Morel, est celui d’une petite fille de onze ans, qui, après la répercussion d’une maladie du cuir chevelu, éprouva des accidents choréiques, et donna bientôt le spectacle d’une véritable fureur maniaque[5]. » Les lésions matérielles et le développement anormal du cerveau sont aussi chez l’enfant, comme à tout âge, des causes de folie. Ideler mentionne une fillette de onze ans atteinte de mélancolie et dont la tête avait un volume exagéré[6]. Le cerveau des enfants est normalement d’une mollesse excessive. Bien qu’il ne faille pas assimiler l’enfant et le vieillard, ce qui serait, selon les expressions un peu trop poétiques d’un aliéniste distingué, « confondre la rose effeuillée[7] avec le bouton prêt à s’épanouir », on ne saurait méconnaître qu’il y a dans ce fait comme une prédisposition à la folie, le ramollissement cérébral étant, comme on sait, une des causes habituelles de la démence sénile.

On n’est pas en peine non plus pour citer des cas où les causes morales ont agi, particulièrement la frayeur. Vering, Vogel, mentionnent des petites filles devenues folles à la suite d’une émotion de peur : l’une d’elles fut prise de l’idée fixe de tuer sa belle-mère que jusque-là elle avait aimée tendrement[8]. Les terreurs superstitieuses, une exaltation précoce des sentiments religieux, la peur de l’enfer,

  1. Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, V, p. 373.
  2. Ibid., VIII, p. 380.
  3. Foville, Dictionnaire de médecine, 1829.
  4. Cité par Esquirol.
  5. Morel, Traite des maladies mentales, 101.
  6. Annales de charité. Berlin, 1853.
  7. Renaudin, Etudes médico-psychologiques, 1854, p. 13.
  8. Psych. Heitkund, II, 2. Leipzig, 1818. Rust’s Magazine, XII, 1822.