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g. compayré. — la folie chez l’enfant

la démonomanie, ont aussi une part d’influence. Une fillette de neuf à dix ans, dont les parents avaient surexcité l’imagination par des images trop vives de la vie future, vit un soir le diable lui apparaître. Elle poussa un grand cri et tomba sans connaissance[1]. Les épidémies de folie religieuse n’ont pas été épargnées à l’enfance ; au dizième et au onzième siècle, ou a vu se former des rassemblements d’enfants qui abandonnaient leur famille et leur patrie pour faire le pèlerinage de la Terre-Sainte. En 1605, les enfants du pays de Labour, entraînés par l’exemple de leurs parents, furent atteints d’hallucinations et d’extases[2]. Pendant les guerres religieuses des Cévennes, on vit jusqu’à sept ou huit mille enfants réunis qui prophétisaient avec l’exaltation la plus grande.

Dans bien des cas, la cause de la folie enfantine n’est ni exclusivement physique ni exclusivement morale. L’aliénation des facultés morales succède à une maladie nerveuse. Quand on sait quel rapport étroit unit les différentes perturbations du système nerveux, on ne sera pas étonné d’avoir à constater que, chez l’enfant comme à tout âge, la chorée, l’épilepsie, l’hystérie, les différentes névroses en un mot, n’apparaissent guère qu’avec leur cortège ordinaire de troubles intellectuels et de symptômes délirants.

Mais on commettrait une grave méprise si l’on attribuait seulement la folie des enfants aux accidents qui les frappent, aux maladies nerveuses ou autres qui les atteignent après leur naissance, aux défauts d’une éducation qui peut de bonne heure fausser leur intelligence et vicier leur sensibilité. Il faut le plus souvent remonter au delà de la naissance, jusqu’à la période de gestation de l’enfant, jusqu’aux émotions ressenties par la mère pendant la grossesse. Un observateur nous rapporte que, sur quatre-vingt-douze enfants nés pendant le siège de Landrecies, seize moururent en naissant, trente-cinq languirent quelques mois, une dizaine furent idiots. Il faut aller plus loin encore et rechercher dans les habitudes des parents, dans les tempéraments de la famille et de la race, le principe morbide qui désorganisera les facultés morales de l’enfant.

C’est particulièrement chez les individus issus de parents adonnés aux boissons qu’il est facile de reconnaître l’influence fatale que les vices du père ou de la mère exercent sur la santé morale, comme sur la santé physique des descendants. Presque tous les enfants nés dans ces conditions meurent en bas âge de convulsions, ou, s’ils

  1. Crichton Browne, On Insanity, vol. XI, p. 15.
  2. Voyez Calmeil, De la folie considère au point de vue pathologique, historique, etc., t. II, p. 434.