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h. spencer. — de l’organisation politique en général.

individus. Inversement, le genre d’organisation réalisé en vue de fins gouvernementales et défensives présente une action combinée, mais une action combinée qui va directement au bien de la société dans son ensemble et le favorise, et qui sert indirectement au bien des individus en sauvegardant la société. Les efforts des unités pour se conserver elles-mêmes créent une forme d’organisation ; tandis que les efforts de l’agrégat pour se conserver créent l’autre forme. Dans le premier cas il n’y a poursuite consciente que de fins d’intérêt privé, et l’organisation corrélative résultant de cette poursuite de fins d’ordre privé, s’opérant inconsciemment, manque de force coercitive. Dans le second, il y a poursuite consciente de fins d’intérêt public ; et l’organisation corrélative, consciemment établie, exerce la contrainte.

Nous n’avons à nous occuper ici que de l’un des deux genres de coopération et d’appareils qui s’y rattachent. Par organisation politique il faut comprendre cette partie de l’organisation sociale qui effectue consciemment les fonctions de direction et de frein en vue de fins d’ordre public. Il est vrai, comme je l’ai déjà indiqué et comme nous le verrons tout à l’heure, que les deux genres d’organisation se trouvent mêlés de diverses manières, que chacun étend ses rameaux dans le domaine de l’autre, plus ou moins selon qu’ils sont l’un ou l’autre plus ou moins prédominants. Mais ils diffèrent par l’origine et par la nature ; et pour le moment nous devons, autant que cela est possible, borner notre attention au dernier.

En comprenant les états des hommes sans organisation politique avec ceux des hommes plus ou moins en possession d’une organisation politique, nous allons voir que la coopération où ils sont parvenus leur assure des avantages dont ils n’auraient pu jouir si, demeurant dans leur état primitif, ils avaient agi isolément, et que, comme moyen indispensable de cette coopération, l’organisation politique, a été et demeure avantageuse.

Il y a sans doute des conditions sous lesquelles la vie individuelle est possible, sans organisation politique, comme avec elle. Lorsque sur un territoire, celui des Esquimaux par exemple, il n’existe qu’un petit nombre de personnes et qu’elles vivent dispersées à de grandes distances, lorsqu’il n’y a pas de guerre, probablement parce que de grands obstacles matériels s’y opposent et qu’il n’y a pour la faire que de faibles motifs ; enfin lorsque les circonstances rendent les occupations tellement uniformes qu’il n’y a guère place pour la division du travail, la dépendance mutuelle ne saurait exister, et l’on n’a nul besoin des arrangements qui la réalisent. Constatons ce cas exceptionnel, et voyons ceux qui ne le sont pas.