Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/651

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
641
h. spencer. — de l’organisation politique en général.

nir le monde, ne pouvait garder les institutions qui convenaient à une seule ville et à un petit territoire… Comment eût-il été possible de faire rentrer soixante millions de provinciaux dans le cercle étroit et rigide des institutions provinciales ? La même chose arrive partout où, au lieu d’une extension de territoire, il y a seulement une augmentation de population. Le contraste qui existe entre le système administratif simple, qui suffisait jadis en Angleterre pour un million de sujets, et le système administratif compliqué exigé aujourd’hui pour plusieurs millions, met assez bien en évidence cette loi.

Mais, à présent, notons une conséquence. Si d’une part une croissance nouvelle implique une structure plus complexe, d’autre part la mutabilité de la structure est une condition d’une nouvelle croissance ; et, par contre, l’immutabilité de la structure est le signe d’un arrêt de développement. Comme la loi corrélative que nous venons de remarquer, celle-ci s’aperçoit nettement dans l’organisme individuel. D’une part, le passage d’une forme petite et non mûre à une forme grande et mûre dans un être vivant suppose que non seulement tout l’animal, mais toutes ses parties doivent changer dé volume et de rapport ; il faut que chaque détail de chaque organe se modifie, ce qui implique la conservation de la plasticité. D’autre part lorsque, en approchant de la maturité, les appareils prennent leur arrangement définitif, leur précision et leur rigidité croissante constituent un obstacle toujours plus grand à la croissance : la désorganisation et la réorganisation qui doivent nécessairement précéder le réajustement à réaliser deviennent de plus en plus difficiles. Il en est de même pour une société. L’augmentation de sa masse nécessite un changement dans les appareils préexistants, soit par incorporation de l’accroissement en eux, soit par leur extension à travers sa masse. Chaque élaboration et constitution nouvelles des appareils y apporte un nouvel obstacle ; enfin, lorsque l’organisme a atteint la rigidité, les modifications des appareils que supposerait l’accroissement de leur volume sont impossibles, et l’accroissement se trouve empêché.

Aussi existe-t-il une relation significative entre la structure d’une société et son développement. Tandis que chaque augmentation de croissance se trouve aidée par une organisation appropriée, cette organisation, n’étant point appropriée à une masse plus grande, devient par la suite un obstacle à une croissance nouvelle. D’où il résulte qu’une organisation qui dépasse les besoins d’une société l’empêche d’acquérir le volume plus grand et l’organisation supérieure correspondante qui aurait pu se former sans cela.

Pour bien interpréter les faits spéciaux dont nous allons nous