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occuper, il ne faut pas oublier les généralités précédentes. On peut les résumer de la manière suivante :

La coopération est rendue possible par l’état de société et rend la société possible. Elle présuppose des hommes associés, et les hommes demeurent associés à cause, des bénéfices qu’ils retirent de l’association.

Mais les actions ne sauraient être concertées sans des appareils qui les dirigent de manière à les produire dans le temps, la quantité et le genre voulus ; et les actions ne sauraient être de divers genres sans que les coopérateurs assument des fonctions différentes. Cela veut dire que les coopérateurs doivent rentrer dans quelque cadre d’organisation, soit volontairement soit involontairement.

L’organisation que la coopération implique est de deux genres, distincts par l’origine et la nature. L’une, provenant directement de la poursuite de fins individuelles et conduisant directement au bien social, se développe inconsciemment et n’est point coercitive. L’autre, provenant directement de la poursuite de fins sociales et menant indirectement au bien individuel, se développe consciemment et est coercitive.

Tandis qu’en rendant la coopération possible l’organisation politique procure des avantages, elle produit aussi des résultats qui les diminuent. La conservation de cette organisation est coûteuse, et le prix qu’elle coûte peut l’emporter sur les maux qu’elle fait éviter. Elle impose nécessairement des freins, et ces freins peuvent devenir si serrés que l’anarchie, avec toutes ses misères, soit préférable.

L’organisation, dès qu’elle est constituée, devient un obstacle à la réorganisation. Tant par inertie que par la cohésion graduellement établie entre elles, les unités, éléments des organes constitués, résistent au changement. Le but premier de chaque partie comme du tout est de s’entretenir ; aussi, dès que les parties sont formées, elles tendent à durer, qu’elles soient utiles ou non. En outre, chaque addition qui vient augmenter les appareils régulatifs, impliquant, toutes choses égales, une perte subie au même moment par le reste de la société qui est régie, il s’ensuit que, tandis que l’obstacle au changement est augmenté, les forces qui causent le changement sont diminuées.

La conservation de l’organisation d’une société implique que les unités, formant les appareils dont elle est composée, se trouvent remplacées dès qu’elles périssent. Si les vacances qu’elles laissent sont remplies sans débats par leurs descendants, la stabilité fleurit ;