Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
revue philosophique

brusquement d’un point de vue à un autre, et de se perdre dans les détails. L’auteur a su très habilement tourner la difficulté. Il suit l’ordre des questions traitées par Kant. Seulement, à l’occasion de chaque problème important, il indique et discute les objections qui ont été soulevées ; les adversaires de Kant sont chacun à son tour, et au moment opportun, cités à comparaître, jugés et condamnés. Tout est ainsi subordonné à l’idée maîtresse que l’auteur s’est proposé de développer ; la pensée kantienne fait l’unité de son œuvre.

Les deux parties de l’ouvrage sont traitées avec une égale supériorité. Nous n’avons pas encore en France, où le criticisme compte tant de partisans, une exposition aussi nette et aussi approfondie de la doctrine du maître. Peut-être pourrait-on reprocher à M. Watson de revenir trop souvent sur les mêmes points. Emporté par son zèle, il veut à toute force faire pénétrer la pensée kantienne dans les esprits ; il la reprend sous diverses formes, la retourne, insiste, revient à la charge, s’épuise à trouver toujours des formules nouvelles et plus claires. Il pourrait répondre que ces précautions ne sont pas superflues, puisqu’il s’agit précisément de corriger les erreurs d’interprétation auxquelles cette pensée a donné lieu. Et il aurait raison. D’autre part, M. Watson excelle à trouver le point faible des doctrines qu’il combat, et son esprit est merveilleusement exercé aux joutes de la dialectique. C’est au fond toujours la même objection qu’il leur adresse, et il y a bien dans ses développements quelque embarras et quelque surcharge. On finit pourtant par s’intéresser vivement à la lutte et par suivre avec plaisir, dans tous ses détours, la pensée du critique. Il faut ajouter qu’il ne fait pas violence aux doctrines, et qu’il les présente toujours sous l’aspect qui leur est propre. Enfin son style est net et limpide, et rencontre souvent de très heureuses formules.

Il ne saurait être question d’analyser ici en détail un ouvrage de quatre cents pages et tout rempli d’idées abstraites ; nous devrons nous contenter d’en indiquer l’économie générale, puis, afin de donner à nos lecteurs une idée de la manière de l’auteur, nous détacherons deux points : l’explication de l’idéalisme kantien, et les critiques dirigées contre le chef incontesté de l’empirisme contemporain, M. Herbert Spencer.

Après un chapitre consacré au problème et à la méthode de la Critique de la raison pure, où il discute les objections de M. Balfour, l’auteur examine les conditions à priori de la perception, et les reproches adressés à Kant par M. Sidgwick à propos de la Réfutation de l’idéalisme. Puis (ch.  III) il expose les conditions à priori de la connaissance en général, les catégories et les schèmes ; l’explication de la théorie du schématisme, si obscure chez Kant, est une des parties les plus remarquables du livre, et nous regrettons de ne pouvoir y insister, Le chapitre IV, consacré aux rapports de la métaphysique et de la psychologie renferme aussi l’exposition et la critique de la théorie de la connaissance de Lewes. Viennent ensuite (ch.  V) l’exposition des prin-