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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/155

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RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

que les formes élémentaires (mouvements respiratoires, etc.), sans lesquelles la vie organique serait impossible. Nous avons ici un cas curieux de corrélation ou d’antagonisme psychologique : tout ce qu’une fonction gagne est perdu par une autre ; tout ce qui est gagné par la pensée est perdu par le mouvement. À cet égard, l’extase est le contraire des états où la motilité triomphe, tels que l’épilepsie, la chorée, les convulsions. Ici, maximum de mouvements [avec minimum de conscience ; là, intensité de la conscience avec minimum de mouvement. Il n’y a, à chaque moment, qu’un certain capital nerveux et psychique disponible ; s’il est accaparé par une fonction, c’est au détriment des autres. L’accaparement dans un sens ou dans l’autre dépend de la nature de l’individu.

Après avoir étudié l’anéantissement de la volonté sous sa forme la plus haute, remarquons qu’on trouve dans la contemplation, dans la réflexion profonde, des formes mitigées et décroissantes de cet anéantissement. L’inaptitude des esprits contemplatifs pour l’action a des raisons physiologiques et psychologiques] dont l’extase nous a donné le secret.

III

Il serait aussi intéressant pour le psychologue que pour le physiologiste de savoir ce qui produit l’abolition de la conscience dans le somnambulisme naturel ou provoqué et de quelles conditions organiques elle résulte. Malgré les travaux poursuivis avec ardeur durant ces dernières années, on n’a sur ce point que des théories, et l’on peut choisir entre plusieurs hypothèses. Les uns, comme Schneider et Berger, en font un résultat de l’ « attention expectante », produisant une concentration unilatérale et anormale de la conscience. Preyer y voit un cas particulier de sa théorie du sommeil. D’autres, comme Rumpf, admettent des changements réflexes dans la circulation cérébrale, des phénomènes d’hyperhémie et d’anémie dans la surface des hémisphères du cerveau. Heidenhain, qui combat cette dernière théorie, explique l’hypnotisme par une action d’arrêt. Il se produirait une suspension d’activité des cellules nerveuses corticales, peut-être par changement de disposition moléculaire : de cette manière, le mouvement fonctionnel de la substance grise serait interrompu. Cette dernière hypothèse est celle qui parait rallier le plus d’adhérents. Comme elle n’est guère, du moins au point de vue psychologique, qu’une simple constatation de fait, nous pouvons nous y tenir.