Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

se traduit par une irrégularité plus ou moins prononcée des caractères tracés. Plus la maladie avance dans sa marche, plus l’écriture devient tremblante et défigurée ; en sorte que, en comparant une série de lettres écrites à des époques différentes, on peut suivre les progrès successifs de l’affection, jusqu’à ce que le malade soit devenu incapable d’écrire.

« Plus tard, l’indécision des membres supérieurs existe même dans les mouvements d’ensemble : le tremblement, l’affaiblissement empêchent le malade de porter directement ses aliments à sa bouche, de tirer son mouchoir, de le remettre dans sa poche, etc.

« Dans les membres inférieurs, la progression est analogue : au début, les aliénés paralytiques marchent avec vigueur, allant droit devant eux ; mais, s’il s’agit d’aller à droite ou à gauche et surtout de pivoter sur eux-mêmes pour revenir sur leurs pas, l’hésitation et le défaut de précision se laissent apercevoir. Puis, même en marchant devant eux, ils avancent d’un pas pesant, mal coordonné. Plus tard enfin, ils ont peine à faire quelques pas[1]. »

Rappelons encore les troubles de la motilité qui succèdent à l’abus de l’alcool. Le tremblement est un des phénomènes les plus précoces. « Les mains sont les premières parties affectées, puis les bras, les jambes, la langue et les lèvres. À mesure qu’il s’accroît, le tremblement se complique en général d’un autre désordre plus grave, l’affaiblissement musculaire. Il affecte d’abord les membres supérieurs ; c’est là un caractère presque constant. Les doigts deviennent inhabiles, maladroits ; la main serre mal les objets et les laisse échapper. Puis cette faiblesse gagne l’avant-bras et le bras ; le malade ne peut alors se servir de ses membres supérieurs que d’une manière très incomplète ; il en arrive à ne plus pouvoir manger seul. Plus tard, ces phénomènes s’étendent aux membres inférieurs ; la station devient difficile ; les marche est incertaine, titubante ; puis tout cela va croissant. Les muscles du dos se prennent à leur tour… et le malheureux paralytique est condamné à garder le lit[2]. »

Nous pourrions rapporter encore ce qui se passe dans les convulsions, la chorée, etc. Cette marche, qui n’a pour le médecin qu’un intérêt clinique, a pour nous un intérêt psychologique. Ces faits, d’expérience journalière, suffiront, je l’espère, à produire la conviction, à montrer que la loi de dissolution suit bien une marche du complexe au simple, du volontaire à l’automatique, que le dernier

  1. Foville, Dictionnaire de médecine, etc., art.  Paralysie générale, pp. 97-99.
  2. Fournier, ibid., art.  Alcoolisme, pp. 636-637.