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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/164

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organe de locomotion, par une lésion de l’écorce, elle l’est, en tant que servant de main et employée comme telle [1]. » Cette dernière expérience est pour nous du plus grand intérêt : elle nous montre que, dans un même organe, adapté à la fois à la locomotion et à la préhension, l’une persiste, bien que altérée, quand l’autre, la plus délicate, a disparu.

L’instabilité de l’action volontaire, complexe, supérieure (c’est tout un) par rapport à l’action automatique, simple, inférieure, se montre encore sous une forme progressive dans la paralysie générale des aliénés. « Les premières imperfections de la motilité, dit Foville, celles qui se traduisent par un défaut à peine commençant dans l’harmonie des contractions musculaires, sont d’autant plus appréciables qu’elles intéressent des mouvements plus délicats, qui exigent une précision et une perfection plus grandes dans leur accomplissement. Il n’est donc pas étonnant qu’elles se traduisent d’abord dans les opérations musculaires si délicates qui concourent à la phonation. » On sait que l’embarras de la parole est un des premiers symptômes de cette maladie. Si faible, au début, qu’une oreille exercée est seule capable de le saisir, le trouble de la prononciation augmente progressivement et aboutit à un bredouillement inintelligible.

« Les muscles qui contribuent à l’articulation ont perdu toute leur harmonie d’action ; ils ne peuvent plus se contracter qu’avec effort ; la parole est devenue méconnaissable.

« Dans les membres, les lésions de la motilité n’affectent d’abord que les mouvements qui comportent le plus de minutie et de précision. Le malade peut faire de grandes marches et se servir de ses bras, pour des travaux qui n’exigent que des mouvements d’ensemble ; mais il ne peut plus exécuter de petites opérations délicates des doigts sans trembler un peu et sans s’y reprendre à plusieurs fois : on s’en aperçoit surtout si on lui dit de ramasser une épingle à terre, de remonter sa montre, etc. Les artisans habitués, par leur métier, à des travaux de précision, sont hors d’état de s’occuper, bien avant ceux qui n’ont que des tâches grossières à remplir. — Lorsqu’il s’agit d’écrire, la plume est tenue avec une indécision qui

  1. ibid., pp. 36, 37. Dans l’expérience de Goltz, si la lésion est faite au cerveau gauche, dans tout mouvement où le chien a coutume de se servir de la patte antérieure en guise de main, il néglige l’usage de la patte droite. C’est ainsi qu’il tiendra un os uniquement avec la patte antérieure gauche ; c’est cette patte seulement qu’il emploiera pour fouiller le sol ou atteindre se blessure. Si l’on a dressé l’animal à donner la patte au commandement, après la mutilation, il ne donnera plus que la patte gauche, tandis qu’il tiendra sa patte droite comme rivée au sol. (Goltz, ap. Dict. encycl. des sciences médicales, art.  Nerveux, p. 588.)