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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/181

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JOLY. — les origines du droit

des partis, mais est-ce à elle qu’il sera donné d’’asseoir sur des fondements durables la cité future ? Il est permis d’en douter. — Dans l’examen critique que nous allons en faire, nous montrerons d’abord que, pour n’être pas sortie du vague, à propos de l’idée même du droit, elle s’efforce en vain de faire œuvre politique, et qu’elle ne réussit pas à se sauver par le mot sonore de liberté dont elle voudrait couvrir son impuissance ; nous exposerons ensuite, en des vues que nous croyons neuves, comment le droit procède d’origines multiples et ne dérive pas d’une source unique ; comment ce n’est que par le moyen de cette constatation qu’on prend l’intelligence exacte des fins de l’État ; enfin, nous suivrons la thèse sur le terrain de la métaphysique, où elle se retranche, et, après avoir établi que le droit et le devoir sont réductibles au raisonnable, nous ferons voir combien par là se trouve simplifié le problème fondamental que pose la politique.

I

Les théoriciens spiritualistes du droit ne nous semblent pas avoir suffisamment élucidé cette idée, et ce qu’il y a de trouble dans la conception qu’ils s’en forment explique leur incapacité finale. L’idée du droit, nous en convenons, en raison de la facilité avec laquelle le mot glisse d’une acception à une autre, est une idée fuyante et malaisée à saisir. Raison de plus pour en discerner tous les sens et les fixer avec précision. Le droit, en une première signification, est la respectabilité de la personne se révélant à d’autres personnes et leur créant des obligations. Par le mot droit, on entend d’autre part l’ordre social, soit qu’on l’envisage dans la réalité des faits marquant une époque, soit qu’on le conçoive dans son idéal de justice. Le droit exprime encore l’autorité de la personne admises par-devant la raison, à revendiquer contre le pouvoir ou contre une usurpation quelconque, l’usage des droits que lui conférent les institutions ou la nature. La théorie commune du droit ne cesse de confondre avec le droit traduisant l’ordre de justice le droit au respect qui appartient à chacun des hommes.

L’homme se tire du milieu des choses pour prendre la dignité d’une personne ; le droit est donc l’apanage de la nature humaine. Nul n’y contredit, mais à quoi cela nous avance-t-il d’être si bien pénétré de l’excellence de notre nature ? Que l’homme, en sa qualité de personne, peut arguer de son droit, cela signifie simplement que l’homme s’attend à des égards ; que, selon l’expression de Kant, il est