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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/184

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qui pèsent sur nous, déprimant le cerveau des misérables, en même temps qu’elles leur torturent les membres et le cœur. Mais cette liberté-là n’est pas un don de la nature ; l’individu ne peut même la conquérir par ses seules forces ; elle est le produit complexe de l’art et de la bonne volonté ; elle exige impérieusement la coopération sociale, et ce n’est que moyennant ce secours que, dès à présent, elle se rend accessible à quelques privilégiés. Le vœu que forme le philanthrope est qu’elle soulève toutes les poitrines et rayonne dans tous les yeux, qu’elle soit le bien commun de tout le peuple et n’ait plus de déshérités.

Pour dissiper toute méprise, nous voulons dire ici toute notre pensée sur les lois économiques dont nous venons de parler. Nous sommes loin de croire qu’elles soient un fatum qui doive à jamais courber tous les fronts. Les lois, en général, expriment les rapports naturels des choses, mais tels que les détermine ou la nature elle-même, ou une situation créée artificiellement. On conçoit donc aisément que, si les institutions qui nous régissent venaient à changer, les rapports des choses se transformeraient aussitôt, de sorte qu’aux lois économiques d’aujourd’hui, y compris la loi cardinale de l’offre et de la demande, en dépit de l’immutabilité qu’on leur prête, se substitueraient les lois économiques de demain, qui, il faut bien l’espérer, nous seront moins dures. Nous concluons que l’économie politique, malgré les observations exactes qu’elle recueille, n’est qu’un simulacre de science, et que toutes les objections qu’elle oppose aux réformes régénératrices peuvent être écartées sans autre examen.

Cependant la métaphysique a pris sur elle la tâche d’édifier État ; elle persiste dans cette entreprise, qui dépasse ses forces ; elle se flatte même d’y avoir réussi. Voici comment, sur le principe de l’excellence de notre nature, elle conduit sa pensée : l’homme, en sa qualité de personne, reçoit l’investiture du droit ; — les droits particuliers de l’homme en découlent ; — l’exercice de ces droits, qui se résolvent en libertés et sont toute la politique, a créé l’état de choses dont nous vivons actuellement, avec les fortunes si diverses qui s’y coudoient ; — il en faut inférer que l’économie de la société présente est vénérable comme le droit lui-même ; l’État peut mettre en mouvement les forces dont il dispose pour la protéger contre toute agression ; mais que lui-même se garde d’y porter la main ; il commettrait un détestable attentat.

Ces dernières — déductions sont trop hardies pour qu’on les laisse passer sans observation. On ne peut y voir qu’une arme de défense sociale ; c’est la prétention de saisir et de consacrer le déroulement