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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/193

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JOLY. — les origines du droit

il demeure persuadé que la question peut être creusée plus avant et que, pour en dire le dernier mot, il est nécessaire de descendre jusque dans la science de l’être, dans la science première, ou ontologie. Or, si l’on consulte cette science, voici, nous dit-on, ce qu’on découvre : L’origine profonde du droit réside dans le devoir, et le devoir traduit les décrets éternels de Dieu sur nous. Puisque nous sommes tenus d’accomplir notre destinée, nous sommes autorisés à repousser tout attentat qui entraverait notre activité ; assujettis à des devoirs, nous inférons qu’il nous est donné d’affirmer nos droits. En revanche, les droits que nous revendiquons pour nous, nous les attribuons à autrui et nous savons qu’ils nous imposent des obligations réciproques. Il suit de là que nos droits-particuliers et que la société, qui prend en main la défense de nos droits, qui en est l’expression vivante, se réclament de la loi que les hommes n’ont pas faite, de la loi éternelle dont il faut chercher le législateur au-dessus de nous. C’est une consolidation nouvelle de l’ordre des choses en vigueur, un redoublement d’assurance au défi qu’on jette à quiconque tenterait, même idéalement, d’en ébranler les assises.

Vainement on représentera que la conformité de la législation avec la justice, telle que la prescrit la raison, suffira pour tracer aux hommes leur conduite et assurer à chacun l’usage de ses droits. Non, répliquent les défenseurs de l’ordre social selon la métaphysique, ni les lois humaines, ni même la conviction de leur sagesse n’auront le pouvoir de soumettre les volontés ; elles n’empêcheron pas, si l’on rompt les liens qui rattachent le droit à ses origines surnaturalistes, que l’État ne s’effondre dans l’anarchie. L’axiome : « Rien d’humain n’oblige, » condamne d’avance toutes les théories juridiques que peut essayer l’empirisme.

Nous soutenons, à l’encontre du spiritualisme, que notre théorie du droit, tout empirique qu’elle soit, est revêtue de toute l’autorité désirable. Selon nous, le devoir ne se va pas prendre dans les arcanes insondables de l’ontologie ; c’est un fait tout humain qui se ramène au raisonnable ; nous ajouterons qu’il en est de même du droit, ainsi que de tous les faits du monde moral.

Nous avons suivi jusqu’au bout les analyses des métaphysiciens, et, malgré notre bon vouloir, nous n’avons pas réussi à prendre foi dans les concepts nécessaires et les vérités aprioriques. La raison est simplement, à nos yeux, l’intelligence commune aux hommes et aux bêtes, mais devenue en nous, grâce à plus d’ampleur dans la substance cérébrale et à un agencement plus parfait des centres nerveux qui constituent le dynamisme encéphalique, apte à faire arrêt sur la course divagatrice des idées-images et à se dérober par là à