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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/20

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de coloris, d’idées musicales, d’abstractions techniques qui, à peine comprises même par les hommes du métier, n’enseignent presque rien même à l’élite des esprits et sont lettre close pour les autres. Telle est l’obscurité de ces explications, et telle aussi leur inutilité, quand aucune relation avec la voix et avec l’âme n’en vient rendre raison, que les critiques avisés, ceux du moins qui ne reconnaissent que ce genre d’analyse, prennent peu à peu l’habitude d’y renoncer et le remplacent par des détails bibliographiques où des anecdotes sur la vie et la personne du compositeur. Les commentaires de la seconde sorte ont une physionomie, non pas exclusivement, mais essentiellement psychologique. Le critique qui les préfère, soit aux causeries du biographe, soit au langage aride du métier employé sans explications, voit et fait voir, dans les instruments de l’orchestre symphonique, des êtres, des personnes, des acteurs qui se parlent, se querellent, se réconcilient, pleurent, gémissent, ont des éclats de voix. Sans doute, il est tenu de voir, ou plutôt d’entendre et de comprendre juste, sous peine de tomber dans des interprétations ridicules. Mais s’il excelle à saisir le sens des phrases et des morceaux et à nous le livrer dans son rapport intime avec les moyens musicaux qui l’expriment, son commentaire est naturel, clair, instructif, et il reste comme la meilleure leçon que puisse recueillir un auditeur doué d’intelligence musicale. On en jugera par les exemples suivants.

Le premier nous est fourni, dans l’Encyclopédie méthodique, par un musicien, à la fois compositeur et théoricien nommé de Momigny. Quelle que soit la valeur des doctrines de cet auteur sur les bases de la constitution de la gamme et sur d’autres questions techniques, Fétis, qui combat ses élucubrations, convient cependant qu’il a exprimé des aperçus justes à l’égard de la mesure, du rythme et de la partie esthétique de l’art. Ce témoignage a du prix. Il est corroboré par l’appréciation des auteurs du Manuel de musique de l’encyclopédie Roret. Ceux-ci blâment la manie d’innover et l’amour des faux systèmes qui ont, disent-ils, égaré de Momigny ; mais ils le qualifient d’homme d’esprit et citent en grande partie son analyse de la symphonie en ré majeur d’Haydn, où, d’après eux, il s’est montré homme de goût et de jugement. Cette analyse est donc comme une sorte de type classique. Sans la reproduire en entier, j’en extrairai les passages qui attestent le mieux à quel point l’interprétation psychologique est naturelle, lumineuse et attachante.

« L’introduction — dit de Momigny — a pour motif ré, ré, ré, la ; et pour réponse ré, ut dièse, ut, ut et ce motif semble dire : devant les dieux prosternons-nous.