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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/233

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correspondance

Je suis loin de penser, comme l’a dit inconsidérément Hamilton, que les mathématiques ont peu de valeur en tant qu’instrument de culture intellectuelle. Je crois que, plus qu’aucune autre science, elles servent à bien dresser l’intelligence, elles lui fournissent un type précieux de preuve complète, elles lui donnent l’habitude et le goût de la précision, elles lui apprennent à couper un raisonnement en degrés successifs et à s’assurer de la solidité de chaque degré avant de passer outre ; dans leurs applications, elles sont très propres à nous faire comprendre les formes les plus élevées du travail d invention et d’induction. En un mot, elles sont pour l’esprit une discipline ferme et féconde, et, en quelque sorte, une logique en action. Mais je ne vois pas qu’elles rendent à la philosophie de service direct ; elles sont un remarquable exemple du bon usage que nous pouvons faire de notre raison ; mais elles ne se mêlent pas à la philosophie pour lui fournir les éléments intégrants de ses théories et de ses systèmes.

Les sciences physiques et naturelles, au contraire, enveloppent et pénètrent de toutes parts la philosophie contemporaine ; il n’est presque aucun des grands débats philosophiques de notre temps qui n’ait sa racine dans le domaine de ces sciences. Comment étudier l’origine du fait intellectuel, du fait volontaire, sans tenir compte du fait physiologique ? Où ont pris naissance les grandes théories de l’hérédité, de l’évolution ? La psychologie pathologique, la psychologie comparée peuvent-elles se passer du secours de la biologie ? Ici, le rapport est intime, essentiel. Je comprendrais aisément qu’on demandât aux futurs agrégés de philosophie plus de connaissances anatomiques, physiologiques, zoologiques, etc. ; mais je comprendrais mal qu’on restreignît le champ de ces études pour étendre celui des mathématiques pures.

Or, en fait, dans les programmes du baccalauréat es sciences mathématiques, ce dernier élément domine, ou, par mieux dire, il occupe presque toute la place ; j’y vois figurer l’arithmétique, l’algèbre, la géométrie, la trigonométrie, la géométrie descriptive, la mécanique, la cosmographie, la physique et la chimie ; mais il n’y est fait aucune mention de la physiologie, de la zoologie, de la botanique, de la géologie. D’autre part, je vois que les programmes du baccalauréat es lettres contiennent les éléments de toutes les sciences mathématiques énumérées plus haut, sauf la trigonométrie et la géométrie descriptive ; mais il contiennent aussi des notions étendues d’anatomie et de physiologie végétales, d’anatomie et de physiologie animales, une étude spéciale du corps humain, des notions d’anatomie et de physiologie comparées. En résumé, le baccalauréat es lettres, pour la partie scientifique, n’omet rien de ce qui, en mathématiques, peut être utile à la philosophie ; et, par la large part qu’il fait aux sciences physiques et naturelles, il achève heureusement la préparation philosophique.

J’ajoute, pour finir, que, si cette partie scientifique du baccalauréat es lettres paraît désormais suffisante pour suivre avec fruit les études médicales, où elle sera cependant une nécessité pratique manifeste, à