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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/247

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RICHET. — la personnalité dans le somnambulisme

Dans toutes les expériences ci-dessus mentionnées, il y a eu conservation du moi.

Peut-être les psychologues verront-ils là qu’il faut distinguer la personnalité du moi. Si je me figure être une vieille femme, j’aurai encore un moi, mais ma personnalité sera différente de ma personnalité normale. Ma personnalité dépend de souvenirs successifs propres à moi, que je relie entre eux et que ma mémoire rapporte à un seul et même être qui est moi. Mais ce n’est pas là le moi. Mon moi dépend des excitations extérieures actuelles, de ce que je vois, de ce que j’entends, de ce que je sens, surtout des ordres que je puis donner à mes muscles. Les somnambules qui peuvent changer six à huit fois de personnalité et de rôle dans le cours d’une soirée ne cessent pas un instant d’avoir un moi ; mais ce moi se rapporte à des personnalités différentes.

En un mot, le moi dépend de l’état psychologique et physiologique actuel ; la personnalité dépend des souvenirs anciens. Le moi est un phénomène de sensibilité et d’innervation motrice ; la personnalité est un phénomène de mémoire.

Mais mon intention n’est pas d’insister plus longtemps sur les conséquences psychologiques de ce phénomène nouveau. Je voulais seulement exposer les faits, tels que je les ai observés. Les explications et les conséquences sont d’un moindre intérêt que les phénomènes expérimentaux.

Or ces phénomènes permettent de dissocier les éléments complexes dont se compose la conscience :

1o Le moi, qui persiste toujours ; car toujours il y a activité motrice, se traduisant par des mouvements musculaires ; conscience de cette activité, et perception de sensations provoquées par les excitations extérieures.

2o La perception exacte des phénomènes extérieurs, qui nous ramène constamment à la réalité en nous rappelant où nous sommes, comment nous sommes vêtus, quels objets nous entourent, etc. Quelquefois cette perception est complètement troublée, de sorte que des perceptions hallucinatoires peuvent avoir lieu, alors que le moi et la personnalité persistent dans leur intégrité.

3o La personnalité, c’est-à-dire le souvenir des faits antérieurs qui nous sont propres. Si ce souvenir est aboli, c’est-à-dire s’il y a amnésie de la personnalité, et s’il y a en même temps illusion de la perception extérieure, on assiste à une transformation complète, dont j’ai donné plus haut des exemples démonstratifs[1].

  1. Il serait aussi bien intéressant d’étudier comment la transformation de la personnalité peut changer de fond en comble la nature des sentiments et des