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SÉAILLES. — philosophes contemporains

s’apercevant avec une clarté croissante. La psychologie empirique est une science naturelle, la psychologie proprement dite c’est la métaphysique même : elle ne s’attache pas à ce qui est successif, mais à ce qui est éternel ; elle n’est pas une science historique, elle s’efforce de faire tomber les voiles de l’espace et du temps, d’atteindre non ce qui passe, ce qui change, mais ce qui est, ce que la réflexion découvre partout et toujours, quel que puisse être le jeu des apparences sensibles. Elle est la science du sujet, de ce qui connaît, de ce qui pense ; elle saisit par une intuition directe avec la pensée ses opérations primitives, ses facultés ; elle suit l’esprit dans toutes ses métamorphoses, elle l’étudie à tous ses degrés, et en s’élevant de plus en plus de la pensée vague, confuse, embarrassée dans l’objet qu’elle se donne, à la pensée dégagée de toute ombre matérielle, lumineuse, consciente et maîtresse d’elle-même, elle fait évanouir les illusions de la sensibilité et nous livre le sens des choses.

La réflexion nous donne d’abord les diverses facultés dans leur distinction et dans leur unité. « Le procédé qui nous met en possession de la vérité psychologique sur ce point est infiniment plus simple et plus direct que celui des sciences expérimentales, et la certitude à laquelle il conduit est de beaucoup supérieure à celle de ces mêmes sciences. Nous n’avons pas à expérimenter, nous n’avons qu’à regarder et à voir[1]. » L’âme, c’est la pensée, mais cette opération unique qui consiste pour l’âme à se donner un objet, à créer la nature, présente plusieurs faces qui ne détruisent pas son unité[2]. Pour penser, il faut s’opposer un objet, quelque chose de déterminé, c’est-à-dire de matériel, d’étendu ; la vie intellectuelle suppose donc, outre la fécondité de l’esprit, un objet déterminé, à l’aide duquel ii prend conscience de lui-même. L’esprit ne reste pas indifférent à son œuvre : il éprouve un sentiment de joie en prenant conscience de sa réalité par cette création. Produire l’objet, le connaître, en jouir, activité, intelligence, sensibilité, telles sont les trois facultés que nous révèle immédiatement la réflexion du moi sur lui-même. Partout où elle est présente, sous toutes ses formes, dans toutes ses métamorphoses, la pensée comprend dans son unité ces trois opérations primitives. La psychologie, c’est l’étude de ces facultés, c’est la pensée se saisissant par la réflexion à tous ses degrés, se poursuivant à travers toutes ses dégradations, s’élevant de l’ombre, où elle semble se perdre dans une sorte de fatalité matérielle, à la pleine lumière, où elle s’apparaît dans sa vraie nature et dans sa réalité suprême.

  1. Log., lec. XIII.
  2. Psych., leç. I.