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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/335

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ANALYSES. — E. COLOMBAT. Traité d’orthophonie.

hommes ; car sur vingt personnes affectées de bégaiement, il y a dix-sept ou dix-huit hommes pour deux femmes. Par compensation, l’infirmité est plus désagréable chez elles, car elle est accompagnée de contorsions du visage et de mouvements convulsifs de la mâchoire et des lèvres ; et elle est beaucoup plus difficile à guérir, probablement, dit M. Colombat, à qui je veux laisser la responsabilité de cette assertion, parce qu’elles sont moins susceptibles de persévérance et d’attention. Peut-être aussi est-ce parce que le trouble nerveux est plus profond.

D’autre part, c’est dans l’âge adulte que cette infirmité existe au plus haut degré, chez les tout jeunes enfants, elle n’existe pas encore, elle commence cependant à se manifester nettement vers sept ou huit ans pour croître jusqu’à la puberté ; chez les vieillards, elle n’existe plus, ou tout au moins elle a beaucoup diminué. La raison en serait que chez eux, les idées se succédant moins rapidement, les organes de la parole peuvent exécuter sans confusion tous les mouvements dont la vitesse se trouve en rapport avec la cause incitante.

Il importe de ne pas confondre le bégaiement avec les autres vices de la parole, bredouillement, zézaiement, blésité, balbutiement, etc. ; mais le bégaiement lui-même affecte différentes formes. Il y a même autant de sortes de bégaiement que d’individus ; les uns bronchent devant des syllabes que d’autres articulent aisément ; mais on peut distinguer les bègues qui parlent ordinairement très vite sans paraître faire aucun effort pour articuler, quoiqu’ils soient arrêtés souvent par les répétitions bbb, qqq, ttt, ddd, mmm, et ceux qui au contraire parlent lentement, sans chercher à se presser, mais en faisant toujours des efforts plus ou moins grands pour articuler les syllabes rebelles.

Les premiers sont remarquables par leur pétulance, la vivacité de leur esprit, leur loquacité et surtout par la promptitude avec laquelle ils veulent parler ; ils ne sont jamais arrêtés par des moments de silence, quoiqu’ils bégayent sur presque toutes les syllabes. Chez eux, le bégaiement se combine presque toujours avec le bredouillement. Les bredouilleurs, comme on sait, avalent les syllabes et mangent la moitié des mots ; ils pensent plus vite qu’ils ne parlent ; de même, certaines personnes pensent plus vite qu’elles n’écrivent et n’achèvent pas leurs mots.

La seconde variété de bégaiement est dite gutturo-tétanique ; elle est plus grave, et on la rencontre souvent avec un manque relatif d’intelligence et une mauvaise mémoire.

Le bégaiement a plusieurs causes ; la principale est l’hérédité. Les trois cinquièmes, au moins, des personnes bègues, le sont de famille. L’influence héréditaire peut être intermittente, et on constate là comme ailleurs des cas d’atavisme. Lorsque le bégaiement est héréditaire, le redressement est plus lent, mais il est aussi certain que dans les autres cas, de sorte qu’il appartient à l’individu de fixer en lui et de léguer à ses descendants l’habitude d’une parole correcte qu’il doit à l’énergie qu’il a déployée pour refaire ce qui a été mal fait par d’autres, ou par la nature, C’est un exemple intéressant de solidarité morale.