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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/398

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ni choix, ni conscience, ni changement d’aucune sorte ; l’affirmation n’en dit autre chose sinon que les relations supposent des termes en rapport, les phénomènes, quelque chose qui apparaît, qu’il est impossible de se passer de quelque chose qui soit par soi-même et pour soi-même, et qu’être par soi-même n’est qu’une locution dépourvue de sens, si elle n’exprime un fait, une activité. Après avoir réduit la matière perçue et l’esprit qui perçoit à n’être que de purs mirages, la réflexion retrouverait la même nécessité, immuable, inflexible, absolue.

L’être est donc volonté, non mon être seulement, mais l’être universel. Vouloir implique un objet ; quel est l’objet du vouloir primordial ? Ici vont s’accuser les oppositions inévitables. Les réponses, dépendant de la manière dont chacun est affecté par le spectacle du monde, trahiront la diversité des tempéraments, des caractères et même des circonstances individuelles.

La volonté, qu’il faut comprendre ici sans détermination particulière relative à des dehors absents, c’est, à n’en point douter, la volonté d’être, l’affirmation de soi-même. L’esprit humain, qui veut se faire une idée raisonnable du principe des choses, est un esprit cultivé par la vie sociale, un esprit dirigé dans la pratique par des règles de conduite qu’il a déjà plus ou moins généralisées : il connaît des biens sensibles ; il possède également une notion plus ou moins claire du bien et du mal moral ; le bien pour lui, c’est ce qui est conforme à la vraie nature des choses, c’est aussi ce qui l’affecte agréablement. Il ne saurait s’empêcher de croire que lorsque tout est dans l’ordre, tout contribue à son bonheur ; c’est avec avec ces convictions instinctives qu’il aborde le problème métaphysique, lequel se trouve ainsi résolu d’avance. La nature des choses dépend de leur principe ; l’ordre véritable ne saurait être que l’obéissance à l’impulsion qui en émane. Dire que le principe est volonté d’être, identifier l’être et le bien, c’est exprimer sous deux formes différentes le même axiome de la raison. Une analyse plus ferme que la mienne, et plus confiante en sa rigueur, pourra faire un départ de l’expérimental et de l’a priori dans ces formules. De quelque manière qu’elles se produisent, nous en trouvons la substance au point de départ de la réflexion. L’histoire de la pensée nous y montre le fondement, la substance et la somme de la philosophie première ; nous les retrouvons au fond des systèmes les plus opposés. En vain l’expérience semble-t-elle nous détourner de ces affirmations par les considérations les plus poignantes, on s’aperçoit, si du moins on s’entend soi-même, qu’il est impossible de leur échapper. L’être est le bien s’il est un bien ; autrement, d’où viendrait le bien ?