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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/397

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SECRÉTAN. — la métaphysique de l’eudémonisme

naissante s’applique à justifier cet effort instinctif. Longtemps avant l’éveil de la réflexion, l’expérience, qui est un combat, a fixé les distinctions du sens commun entre les hommes et les choses, entre la vie et la matière inanimée ; mais les déterminations suffisantes à la pratique de la vie ne satisfont pas la curiosité de l’esprit. Les gens et les objets qui nous entourent ont commencé d’être, nous-mêmes, avons commencé, chacun nous l’affirme, et, si renversante que soit d’abord cette idée, nous avons fini par n’en plus douter. D’où vient ce qui commence ? On s’est toujours posé cette question ; l’argumentation mathématique la plus évidente fondée sur la contradiction d’un nombre infini ne parviendra pas, je le crains, à la faire éliminer. Matière ou Dieu, l’esprit a besoin de quelque chose qui existe par soi-même et n’ait point commencé. — L’être jaillit-il de sources multiples ? — On a peine à le croire, lorsqu’on songe que les êtres particuliers se déterminent tous les uns les autres, lorsqu’on a compris qu’ils ne sauraient exister les uns sans les autres, ce qui revient à constater que leur particularité n’est que de surface, et qu’ils sont tous enracinés dans un fond commun. Au jugement du sens intime, nous ne nous détachons pas du néant, mais de l’être. Ainsi le problème du principe d’être, de l’être principe, de l’être en soi se pose naturellement, légitimement.

Le premier mot de la définition cherchée semble n’avoir été prononcé qu’assez tard, et pourtant l’hésitation n’est pas possible, c’est une évidence immédiate, c’est une proposition identique : l’être est vouloir. En vain l’empirisme, qui part d’impressions objectivées et n’entre pas dans le sens de la question, nous parlerait-il ici des propriétés de la substance nerveuse et croirait-il nous démontrer que nos volitions sont des actes réflexes, dont la réalité véritable se trouve dans la sensation éprouvée ; la sensation fût-elle comprise elle-même et la démonstration complète, elle n’affecterait point la vérité que nous énonçons. Que sont les termes dont l’acte réflexe exprime le rapport ? Qu’est-ce que la substance nerveuse ? Qu’est-ce que l’objet qui la sollicite ? La science ne nous en disant rien et ne pouvant rien nous en dire, nous le demanderons à la spéculation, c’est-à-dire à la nécessité de la pensée, qui déjà nous a répondu. Être, c’est vouloir ; nous l’affirmons parce qu’être étant certainement quelque chose, il faut bien nous en faire une idée quelconque et que nous ne saurions en trouver aucune autre. Être, c’est vouloir ; la chose est tellement évidente qu’en réalité cette évidence nous sert de peu. Toutes les opinions pourraient à la rigueur s’accommoder d’une telle formule. Le vouloir identique à l’être n’implique, en effet,