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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/408

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compte de l’ensemble des phénomènes, dans le dénombrement desquels nous n’aurons garde d’oublier l’expérience intime qui nous : fait connaître le caractère sacré du devoir, en nous imposent l’obligation de chercher notre devoir. Nous ne pouvons pas construire l’obligation morale au moyen d’éléments privés du caractère obligatoire sans en détruire logiquement l’autorité. Quelle que soit la manière dont on en décrive l’apparition, la révélation, la formation graduelle dans la conscience, nous ne pouvons justifier le caractère absolu de la loi morale, le droit que nous lui attribuons, même sur ceux qui l’ignorent ou qui la nient, sans la rattacher aux fondements de l’univers. Nous sommes donc conduits naturellement à chercher dans le monde, non plus une installation voluptuaire, mais un gymnase, un lieu d’exercices pour la vertu. En quoi la vertu consiste, nous le savons au sens pratique et pour ce qui nous concerne : nous la trouvons dans l’amour envers nos semblables, qui nous porte à les disposer au même amour. Le bien que nous leur souhaitons par excellence et que nous cherchons à leur procurer, c’est une bonne volonté ; le bien réel est à nos yeux un caractère de la volonté ; ceci était acquis, ceci subsiste, bien que nous n’ayons pas encore su nous soustraire à la considération du bonheur. Maintenant ce terme ne nous est plus indispensable, et nous pouvons l’éliminer, pour peu qu’on y tienne. Aimer autrui, c’est vouloir son bonheur, c’est vouloir qu’il trouve le bonheur en voulant lui-même et en procurant le bonheur d’autrui. Mais, comme ce bonheur consiste essentiellement dans la nature même de sa volonté, comme la satisfaction que reçoit la volonté ne diffère en rien de sa réalisation et de son accroissement propre, nous aboutissons à ce résultat : le bien, c’est la volonté même ; le bien, c’est la volonté qui se prend pour son propre objet : aimer autrui c’est vouloir qu’il se veille, c’est vouloir qu’il s’affirme, en voulant la réalisation de la volonté d’autrui. Et comme la volonté forme la substance de l’être, nous retombons finalement sur la vieille formule de saint Augustin et de Spinoza : le bien, c’est l’être. Au vrai, cette formule est évidente en soi, inévitable ; mais, comme toutes les formules inévitables, elle est inféconde. Elle ne sert de rien lorsqu’on la sépare de la définition de l’être et de l’intuition qui l’accompagne. Lorsqu’on à cru pouvoir l’employer dans son : abstraction, elle à servi de base à constructions insensées, on en a tiré des conséquences pratiques abominables. En disant : le bien, c’est l’être, nous n’exprimons rien sur la nature de l’être, ni par conséquent sur celle du bien. Pour que la formule prenne un sens, il faut ajouter : l’être est volonté. Et pour avoir dit : l’être est volonté, nous ne sommes pas encore sortis de