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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/407

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SECRÉTAN. — la métaphysique de l’eudémonisme

nous par le créateur avec notre organisation ? Qui est-ce qui a qualité pour nous signifier ce que Dieu demande de nous, et comment justifier cette qualité ? La loi divine doit établir son origine par elle-même, et rien ne prouve que cette démonstration soit impossible. Le devoir n’est pas moins essentiel que le désir à notre constitution morale.

Le fait, accablant d’évidence, que notre monde n’est pas disposé de manière à réaliser le bonheur nous oblige à revenir sur un résultat qui semblait acquis : Encore une fois, la jouissance est-elle vraiment le but et le bien ? Tout à l’heure nous nous sommes vus presque contraints de l’avouer par l’impossibilité d’assigner à la volonté quelque autre objet hors d’elle-même. Cependant l’analyse rationnelle des données psychologiques n’est guère favorable à cette conclusion. Le bonheur, à titre de sentiment, est une forme de la conscience, un jugement immédiat, pour ainsi dire, porté sur notre condition. On l’a déjà dit, le bonheur n’est qu’un signe, un symptôme. Ce n’est pas proprement le bonheur, c’est l’état de l’être dont le bonheur est le symptôme, c’est la réalité dont le bonheur est la manifestation qui peut être l’objet normal de la volonté. C’est l’état de l’être, disons-nous, c’est-à-dire l’état même de la volonté, puisque la volonté, c’est l’être. Pour nous débarrasser des haillons de l’eudémonisme, que l’expérience a déchirés sur notre corps de sa main violente, il ne nous reste en réalité d’autre parti que de chercher à comprendre comment la volonté peut être son propre but. La volonté implique un objet, et semble ne pouvoir être qualifiée qu’en raison de cet objet. Le bonheur nous a paru l’unique objet assignable à la volonté d’une manière inconditionnelle, absolue ; pourvu toutefois que la notion même de bonheur puisse être prise en un sens absolu, ce qui est contestable. Mais, si le bonheur n’est qu’un signe de la perfection de la volonté, il doit y avoir une perfection de la volonté indépendante de tout objet ; en termes plus exacts, la volonté doit pouvoir devenir son propre objet ; et nous ne saurions en effet assigner d’autre objet qu’elle-même à la volonté absolue. Nulle conception de l’absolu ne comporte le contrôle direct de l’expérience, avons-nous dit. Cependant nous ne pouvons pas nous passer d’une conception de l’absolu : ceux qui mettent leur point d’honneur scientifique à le faire voient renaître incessamment les questions écartées, et les préjugent souvent d’une façon médiocrement scientifique. Les vues de cet ordre relèvent de la croyance et non du savoir ; mais il est des croyances légitimes, conformes aux lois de la pensée, et particulièrement à la loi suprême de la pensée, qui aspire à la perfection dans l’unité. L’objet d’une telle croyance devra rendre