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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/416

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LE RAISONNEMENT DANS LES PERCEPTIONS


I

Définir la perception, c’est dire en quoi elle diffère de la sensation, qui en est la racine. Le mot sensation exprime le fait de sentir, c’est-à-dire d’éprouver un état de conscience à la-suite d’une modification produite sur nos organes des sens. La sensation n’est pas un simple fait physique, puisqu’elle suppose la conscience, mais dans l’ordre des opérations mentales et conscientes, c’est le phénomène le plus rudimentaire qui existe. Une sensation rigoureusement simple, prise en elle-même, et dépourvue de tous les éléments qui lui sont étrangers, n’implique pas la connaissance de l’objet qui l’a produite ; encore moins implique-t-elle la distinction entre cet objet, comme partie du monde extérieur, et notre corps. C’est un état subjectif et non une connaissance. L’enfant nouveau-né dont les yeux ouverts reçoivent pour la première fois impression d’une couleur éprouve une sensation, et rien de plus ; le rayon coloré qui frappe sa rétine ne produit pas d’autre effet dans son esprit qu’un choc plus ou moins intense, plus ou moins volumineux, plus ou moins agréable, suivant l’intensité de la lumière et l’état des centres nerveux. Il n’y à nul effort pour reconnaître la nature du corps qui produit cette sensation, nul jugement sur la grandeur de ce corps, sur sa forme, sur sa distance et sur ses autres propriétés. Nous pouvons difficilement nous imaginer, si ce n’est au moyen d’analogies lointaines, quel doit être l’état d’une conscience qui s’éveille et qui reçoit le premier contact du monde extérieur. La conscience de l’homme adulte est trop éloignée de cet état primitif. Lorsque nous éprouvons une sensation venue soit du monde extérieur, soit de nos viscères et organes internes, cette sensation ne reste jamais isolée ; elle trouve dans nos centres nerveux la trace, l’écho, ou le résidu, comme on voudra l’appeler, des sensations qui ont été éprouvées antérieurement, à l’occasion d’objets