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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/422

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de la perception dans une classe déterminée de raisonnements, c’est à la déduction qu’il faut le comparer. La perception peut être interprétée comme étant une déduction que l’esprit tire des expériences antérieures, ordinairement nombreuses, et du rapport que ces expériences présentent avec le cas actuel ; si l’on donnait à l’inférence dont il s’agit ici la forme d’un raisonnement logique, la proposition qui lui servirait de fondement serait une proposition générale, un registre de tous les faits observés et résumés dans une formule unique, que l’on pourrait comparer avec une parfaite justesse à la majeure d’un raisonnement déductif. Il arrive quelquefois qu’une perception n’est établie que sur une expérience unique ; dans ce cas, l’inférence va du particulier au particulier ; ce n’est ni une induction ni une déduction.

Il nous reste à déterminer dans quelle mesure nous avons à rendre compte du raisonnement, et ce qu’il faut entendre par une explication. Les opérations de l’intelligence ne sont que les formes diverses des lois de l’association : c’est à ces lois que tout phénomène psychologique se ramène, soit qu’il paraisse simple, soit qu’il soit reconnu comme complexe. L’explication en psychologie, sous sa forme la plus scientifique, consiste à montrer que chaque fait mental n’est qu’un cas particulier de ces lois générales ; du moment que cette réduction a été accomplie, on peut considérer l’explication comme définitive et portée aussi loin qu’il est possible d’aller, car les lois de l’association sont les lois les plus générales de la psychologie, elles embrassent toute la psychologie, et il n’existe aucun principe supérieur dans lequel on pourrait les faire rentrer. En appliquant ces idées au sujet qui nous occupe, nous arrivons à dire : expliquer le raisonnement, c’est déterminer par quelle combinaison des lois de l’association cette opération mentale s’est formée ; simple en apparence, elle est complexe en réalité, et réductible, en dernière analyse, aux deux fonctions de ressemblance et de continuité.

Abordons maintenant l’étude des faits. Prenons la perception d’une orange. C’est l’exemple classique, il ne faut pas en chercher d’autres. Nous supposons qu’on ait placé sur une table, à quelques décimètres de notre œil, une corbeille remplie d’oranges, et que tous ces objets soient vivement éclairés par la lumière du jour. Lorsque nous dirigeons notre regard du côté de la table, nous éprouvons un certain nombre d’impressions : c’est d’abord une impression visuelle de couleur, de lumières et d’ombres, formée à la vérité par un agrégat très complexe de sensations simples ; l’appareil musculaire de l’œil, excité et réveillé par l’impression sur la rétine, devient le siège de contractions qui s’accompagnent de sensations musculaires définies ;