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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/428

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ment peut-on comprendre que dans cette inférence les deux prémisses demeurent dans le domaine de l’inconscient et que la conclusion seule arrive à la pensée ? Les lois connues de l’association sont-elles capables de rendre compte de cette apparence de paradoxe ? C’est une question qu’on peut au moins tenter d’éclaircir.

Examinons d’abord comment M. Spencer a résolu le problème dont nous venons de poser les termes. L’analyse psychologique l’a conduit à reconnaître que, dans tous les genres de raisonnements sans exception, la conclusion est atteinte sans le secours des prémisses. Cette vérité importante, nous n’avons pas eu besoin de la démontrer en ce qui touche la perception ; il a suffi de l’énoncer, car elle est l’évidence même. Ceci posé, on est conduit logiquement à la question de savoir comment s’accomplit cette inférence simplifiée qui se passe de prémisses. M. Spencer ne s’explique pas clairement sur ce point délicat. À deux reprises, il y revient, mais en se servant d’un langage si vague et si incertain que cela ressemble beaucoup à une défaite. Ainsi, dans un premier passage, il analyse le raisonnement suivant : « Tous les cristaux ont un plan de clivage, ceci est un cristal, donc ceci a un plan de clivage ; » « quand j’affirme, dit-il, que c’est là le procédé mental qui m’a conduit à la conclusion, alors se pose évidemment cette question : Comment ai-je été amené à penser à « tous les cristaux » ? Est-ce par un heureux hasard que le concept « tous les cristaux » me vient à l’esprit, juste un moment avant que je conclue quelque chose relativement à un cristal particulier ? Personne ne soutiendra une pareille absurdité… L’esprit étant nécessairement occupé du cristal individuel avant d’être occupé de la classe, il en résulte ces deux questions : 1o Pourquoi, ayant eu l’idée d’un cristal individuel, ai-je été conduit dans ce cas particulier à penser à la classe des cristaux au lieu de penser à toute autre chose ? 2o Pourquoi, quand je pense à la classe, pensé-je à leurs plans de clivage plutôt que de penser à leurs angles, à leur poli, à leur fragilité, à leurs axes ou à leurs autres attributs ?… comment donc arrive-t-il qu’après la pensée « ceci est un cristal » se produit la pensée « tous les cristaux ont des plans de clivage » plutôt que mille autres pensées que l’esprit peut suggérer ? Il y a une réponse et une seule : avant d’affirmer avec conscience que tous les cristaux ont des plans de clivage, j’ai déjà aperçu que ce cristal a un plan de clivage. » Et M. Spencer ajoute : « Sans doute ce sont mes expériences antérieures relativement au clivage des cristaux qui me déterminent à penser au plan de clivage de celui-ci ; mais ces expériences antérieures ne se présentent pas à mon esprit avant mon affirmation du cas particulier, bien que je puisse avoir subséquemment conscience de ces expé-