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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/430

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deux états ne sont liés que par une ressemblance imparfaite, ce qui implique une identité seulement partielle, la fusion est partielle.

La meilleure et la plus intéressante illustration de cette loi mentale nous est donnée par les sensations du toucher, dans les expériences si connues de Weber. L’expérience du compas nous fait assister à la fusion de deux sensations. Le second exemple que nous citerons, et qui appartient à l’histoire des perceptions, montrera que la fusion peut se produire entre deux états de conscience d’ordre différent, une sensation et une idée. Sauf cette différence, plus apparente que réelle, entre les deux cas, le phénomène est identique de tous points.

Pour comprendre comment on peut trouver dans la perception l’exemple d’une fusion entre des sensations présentes et des sensations antérieures rappelées à l’esprit sous forme d’idées, il faut se souvenir tout d’abord que chacun de nous possède une représentation mentale très fidèle et très complète du milieu dans lequel il vit ; la maison où nous demeurons, notre appartement et ses meubles, notre rue, notre ville, et les personnes que nous voyons tous les jours font l’objet d’images mentales qui soutiennent dans l’esprit les mêmes rapports que dans la réalité. Il en résulte que, chaque fois que notre œil ou que notre main rencontre un objet familier, la sensation reçue doit restaurer par l’effet de la similarité les innombrables sensations reçues antérieurement à l’occasion du même objet ; notre impression mentale, grâce à ces recrues, est infiniment plus étendue et plus riche que l’impression sensorielle proprement dite. M. Bain dit avec raison : « Lorsque nous voyons, nous entendons, nous touchons, nous remuons, ce qui se présente à nous est fourni plus par l’esprit lui-même que par l’objet présent. » C’est ce fait qu’on appelle perception. Cependant il est digne de remarque que nous n’avons pas naturellement conscience des impressions antérieures comme distinctes des impressions présentes ; l’image de la chaise ou du livre qui est restée dans notre esprit après notre perception d’hier ne nous apparaît pas, à moins de circonstances exceptionnelles, comme distincte de notre perception actuelle ; nous n’avons pas conscience de deux images, mais d’une seule. C’est que la restauration de l’état de conscience antérieur est accompagnée d’une fusion partielle ou complète ; l’impression d’hier et l’impression d’aujourd’hui se fusionnent comme les deux sensations tactiles produites avec le compas. Les deux phénomènes sont identiques au fond.

Pour terminer cet exposé sommaire de la loi de fusion, il reste à citer un troisième cas, celui où ce sont deux idées qui se fusionnent