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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/431

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BINET. — le raisonnement dans les perceptions

l’une avec l’autre. Nous aurons ainsi passé en revue toutes les combinaisons possibles des deux ordres d’éléments intellectuels qui peuvent se rencontrer dans l’acte de la fusion, combinaisons qui sont au nombre de trois : les sensations avec les sensations, les sensations avec les idées, les idées avec les idées. Ce dernier genre de combinaison paraît être réalisé dans l’existence des idées générales, dont la formation exige non seulement le concours d’un certain nombre d’impressions particulières, mais la réunion, la fusion de toutes ces impressions en une impression unique, qui représente l’idée générale. Nous pouvons invoquer en faveur de cette opinion l’autorité d’un physiologiste anglais, M. Huxley ; cet auteur nous révèle sa manière de voir dans une comparaison très heureuse qu’il fait entre les images ou idées générales et ces images composites dont nous devons l’invention à M. Francis Galton : « Pour éclaircir la nature de cette opération mentale (la formation des idées générales), on peut la comparer avec ce qui se passe dans la production des photographies composites, lorsque, par exemple, les images fournies par les physionomies de six personnes sont reçues sur la même plaque photographique pendant un sixième du temps nécessaire pour faire un seul portrait. Le résultat final est que tous les points dans lesquels les six physionomies se ressemblent ressortent avec force, tandis que tous ceux dans lesquels elles diffèrent demeurent dans le vague. On obtient ainsi ce qu’on pourrait appeler un portrait générique des six personnes, par opposition au portrait spécifique d’une seule personne. » Le lecteur déjà familiarisé avec le principe de la fusion des états semblables n’aura pas de peine à reconnaître que, dans ce passage, il ne s’agit pas d’autre chose que d’une application de ce principe, bien que le mot ne soit pas prononcé. Si tous les points dans lesquels les six physionomies se ressemblent ressortent avec force dans la photographie, cela tient évidemment à ce qu’ils n’y sont représentés que par un point unique ; en d’autres termes, les images des traits semblables se superposent et se confondent, phénomène qui rappelle celui de la fusion par son résultat.

Il me paraît si important de compléter ces vues générales par quelques considérations sur l’action physique qui correspond à la faculté de fusion, que j’ajouterai encore quelques mots sur ce sujet, bien que mon intention ne soit pas de l’approfondir. Ces considérations se réduisent à ceci : c’est que les états de conscience semblables doivent correspondre à une même action physique, occupant les mêmes parties du système nerveux, et principalement les mêmes parties de la substance grise corticale du cerveau. Cette opinion est jusqu’à un certain point une conséquence nécessaire de la théorie