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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/434

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d’une impression antérieurement éprouvée et semblable à la précédente : c’est l’impression tactile produite le jour précédent par le même objet et conservée dans la mémoire ; nous appellerons cette impression l’État de conscience intermédiaire ; la restauration d’autres impressions unies par la contiguïté à l’impression tactile restaurée, et formant avec elle un tout organique ; c’est surtout l’image visuelle du coquillage. On voit également la raison pour laquelle ces trois impressions se sont succédé dans la conscience et l’ont fait suivant un ordre déterminé ; l’impression des sens a rappelé le souvenir d’une impression analogue par la force de la similarité ; cette seconde impression a suggéré les autres par l’effet de la contiguïté. Ne pourrait-on pas d’ailleurs supposer à priori que tel doit être l’ordre suivi ? Nous avons une impression A′ associée par l’expérience à l’impression B. Une impression nouvelle, A, qui ressemble à l’impression A′, suggère l’impression B, qui ne lui est rattachée par aucun lien. Comment peut-elle le faire, sinon par l’intermédiaire de l’impression A′ ?

La question est de savoir si ce sont là les phénomènes qui se produisent dans nos perceptions ordinaires. Il semble à première vue que non. Nous avons bien dans la perception une impression reçue par les sens, et les impressions idéales qui font l’objet de l’inférence ; mais l’état de conscience intermédiaire paraît manquer. Reprenons notre exemple de l’orange ; l’impression réelle, c’est la sensation donnée à l’œil ; les impressions idéales inférées, ce sont tous les attributs, invisibles pour l’œil, que nous reconnaissons à l’objet, comme la résistance, la forme, etc. Ces deux états de conscience paraissent se succéder sans solution de continuité ; il n’y a pas d’acte intellectuel et conscient par lequel nous reconnaissions une ressemblance entre l’impression visuelle de l’orange que nous éprouvons en ce moment et les impressions visuelles du même objet que nous avons antérieurement reçues.

On peut avoir facilement raison de cette différence entre les deux cas : elle tient aux conditions mêmes auxquelles est soumise l’aperception de la ressemblance. Quand il n’y a qu’une ressemblance imparfaite entre une impression présente et une impression passée, nous ne manquons pas de constater la nature du lien d’association qui les unit et qui permet à l’une de restaurer l’autre, nous remarquons d’autant plus ce lien que la restauration n’a pas toujours lieu, et que souvent elle est le prix d’une attention soutenue. C’est ce dernier cas qui s’est réalisé dans notre perception tactile.

Lorsque la ressemblance entre deux impressions est parfaite et portée jusqu’à l’identité, elle ne manque jamais de produire son effet ; l’im-