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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/436

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ou qu’elle donne à une autre personne. C’est là évidemment une application inexacte du mot même ; car la pensée que j’ai eue hier s’en est allée pour ne plus revenir ; celle que j’ai aujourd’hui est une autre pensée parfaitement semblable peut-être à la première, mais distincte. » Nous renvoyons à la Logique de Stuart Mill (p. 76, t.  I) pour le reste du passage. Donc, attribuer le même son et le même sens à des caractères parfaitement semblables, mais distincts, c’est transporter ce qui est admis dans un cas à un autre cas de même espèce, mais distinct, c’est étendre ses connaissances premières par le moyen d’un simple travail de l’esprit, en un mot c’est raisonner.

Il est vrai que l’opération est tellement simple, tellement élémentaire qu’on refuserait de lui appliquer le nom de raisonnement, Si elle n’en présentait pas tous les caractères. Dans ces conditions, devons-nous nous attendre à voir se succéder dans la lecture d’un mot les trois impressions qui existent, selon nous, dans toute perception, à savoir l’impression visuelle du mot écrit, le souvenir visuel de ce mot (état de conscience intermédiaire), le souvenir du son articulé ? Cela ne me paraît pas douteux. Je ne conçois pas qu’une impression des sens puisse susciter directement une seconde impression dans l’esprit, s’il n’existe entre ces deux états de conscience aucune association préalable, aucun rapport d’aucune sorte ; ce serait admettre que la succession des pensées se fait au hasard et sans règle ; et d’autre part je trouve que, s’il existe une impression intermédiaire, qui ressemble à la première impression et qui est associée à la seconde, il est très vraisemblable que la première impression ne suscite la seconde que par le moyen de cette impression intermédiaire. Seulement, dans la lecture, la ressemblance qui existe entre l’impression visuelle d’un signe écrit et le souvenir d’un signe semblable est si grande et si complète qu’il est naturel que l’esprit les confonde, les prenne l’un pour l’autre, et que l’état de conscience intermédiaire n’arrive pas à la conscience comme une impression distincte. Le courant nerveux dégagé par la première impression occupe le même système de fibres et de cellules que le courant qui correspond à l’état de consciente intermédiaire, et, par suite de cette identité de siège, il prend ensuite les mêmes directions, gagne les mêmes parties de l’encéphale qui sont dévolues aux impressions auditives, et finalement réveille la même impression de son articulé.

Ceci nous permet de faire un pas de plus. Nous connaissons maintenant l’ordre dans lequel se succèdent les états intellectuels qui composent une perception. Il nous reste à savoir comment il se fait que la sensation actuelle s’associé à des sensations anciennes et