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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/465

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ANALYSES.g. bréton. Essai sur la poésie philosophique.

absolument adéquate à celle de l’auteur étudié… Si notre Empédocle n’est point l’Empédocle de l’histoire, nous nous consolerons… Empédocle nous l’apprend lui-même : « C’est par la témérité qu’on arrive à la science » (P. 197, 198.)

Des aveux aussi dépouillés d’artifice désarment d’avance toute critique. Est-il besoin de dire que, à part quelques rares endroits où notre auteur discute l’interprétation d’un point obscur de doctrine, nous trouvons partout devant nous, non pas Xénophane, Parménide ou Empédocle, mais bien M. Guillaume Bréton panthéisant ou éléatisant, puis se critiquant lui-même ?

Pris ainsi, son travail a une valeur incontestable, mais il gagnerait à être traité à part et à recevoir quelques développements qui donnent plus de précision à des conclusions dont l’ampleur est peut-être plus apparente que réelle.

J’arrêterais ici ces remarques, si le caractère général de l’interprétation des systèmes philosophiques qu’étudie M. Bréton ne me semblait point indiquer des tendances un peu inquiétantes dans l’enseignement qu’il a reçu ou qu’il peut être appelé à donner, en ce qui concerne l’histoire de la philosophie. Victor Cousin fut, en son temps, un grand homme, et je ne veux point en médire ; néanmoins ce n’est point sans quelque étonnement que je vois reparaître, à l’heure actuelle, et ses procédés et ses formules spécieuses, mais superficielles. Prenons l’exemple le plus saillant. « On ne peut guère passer en revue, » dit M. Bréton, ({p. 9) « les différents systèmes philosophiques que la Grèce a produit depuis Thalès jusqu’à Platon, sans observer que la pensée grecque semble osciller sans cesse entre deux courants qui tendent à l’emporter, l’un vers l’Unité absolue de l’être, l’autre vers l’absolue Multiplicité. »

« De nos jours, continue-t-il plus loin, cette distinction a été généralement acceptée. » Où et par qui ? En France peut-être, à l’époque de l’éclectisme. Mais en sommes-nous vraiment encore là ? L’histoire de la philosophie antique a été depuis, il est vrai, quelque peu délaissée chez nous ; en tout cas, je serais curieux de savoir qui, parmi les nombreux savants ayant à l’étranger quelque autorité dans cette matière, serait disposé à accepter une pareille formule, surtout dans le sens que lui donnait Cousin.

Je ne m’en prends pas, je le répète, à M. Bréton, mais à l’enseignement qu’il a reçu et dont il semble bien, dans le passage cité, ne faire que reproduire les leçons. Qu’est-ce donc que cette division, arbitrairement introduite par l’emploi de concepts modernes sous des vocables antiques, entre tous les Ioniens d’une part, sectateurs prétendus, avec les atomistes, de la philosophie du Multiple, et tous les Italiques, Pythagoriciens ou Éléates, de l’autre ?

Anaxagore fut le premier qui, par l’hypothèse du νοῦς et des homéoméries, contredit chez les Ioniens le postulatum, jusqu’alors admis sans conteste par tous les « physiologues », de l’unité de substance ; et