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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/464

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Certes la mythologie est froide, surtout quand celui qui l’emploie ne sait point faire oublier qu’il n’y croit pas. Mais le mot d’Hiéron sur Xénophane reste vrai ; si le Colophonien a eu des saillies heureuses contre les dieux et contre Homère, il est mort pauvre, et ses vers ont péri il y a longtemps ; ceux d’Homère font encore vivre bien des gens.

Il est constant aussi que l’antiquité, en général, a préféré comme poète Empédocle à Parménide ; mais cela ne peut rien prouver, et, d’après les fragments qui restent de l’un et de l’autre, les modernes sont plutôt tentés de retourner le jugement. Ce que nous avons du premier est passablement didactique, et quant à moi, du moins, ses métaphores et son symbolisme me semblent encore plus froids que « les doigts de rose et le péplon safrané de l’aurore ». Pour Parménide, sans parler de son remarquable préambule, son exposition dialectique est d’une puissance qui me le rend « vénérable », comme il l’était aux yeux de Platon, et je m’étonnerais qu’elle n’ait point frappé davantage M. Bréton, si je ne savais combien l’appréciation littéraire est chose subjective.

En somme, les développements de notre auteur, dans la partie littéraire de son œuvre, sont intéressants, sa pensée est souvent juste et remarquablement exprimée, peut-être cependant avec un peu trop d’emphase. Mais je ne puis accepter sa méthode.

Après avoir exposé le système philosophique de Xénophane, il dit (p. 60) : « Nous pourrions maintenant déterminer presque à priori ce que sera la poésie de Xénophane. » Mais ce n’est pas ce que pense le poète, c’est comment il le pense, qui importe en réalité.

En dehors de l’étude des systèmes, M. Bréton a naturellement dù donner quelques détails sur la vie des poètes dont il parle. Son érudition de seconde main ignore les travaux les plus récents et n’est pas toujours très sûre : son sens critique n’est pas non plus suffisamment développé ; mais il est inutile de nous arrêter sur ce terrain, où M. Bréton n’est pas précisément chez lui.

Je crois cependant devoir relever un singulier anachronisme, non pour le reprocher à son auteur, — le lapsus le plus étrange peut échapper dans un moment d’inattention à l’érudit le plus avéré, — mais son livre est une thèse de doctorat ès lettres, qui a sans doute été examinée en manuscrit. Ne pouvait-on mieux garder l’honneur de notre Sorbonne et faire corriger avant l’impression un passage comme celui-ci ? « Simplicius, le premier… Plutarque a suivi Simplicius. » (P. 137, 138.)

Quant à la façon dont M. Bréton entend l’exposition des systèmes anciens, on ne peut mieux la caractériser que par quelques extraits de son livre :

« Xénophane ne s’est peut-être pas rendu de sa conception un compte aussi exact que nous venons de le faire. Il faut même avouer que nous cherchons en ce moment plutôt à interpréter sa pensée qu’à la suivre. » (P. 47, 48.) « Peut-être notre conception ne sera-t-elle point