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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/468

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moral. Le motif prochain qui fait naître, entretient et passionne la question sociale, c’est l’inégalité des ordres sociaux. Ces inégalités sont un fait de nature et d’hérédité, et partant inéluctables. Il s’agit donc de mettre les divers agrégats sociaux, les diverses molécules sociales, non dans les mêmes conditions réelles, mais dans les mêmes dispositions essentielles, soit d’ordre moral et intellectuel, soit d’ordre matériel. C’est là, dit P. Siciliani, l’unique initiation à la grande solution du problème social. Il démontre, comme M. Andréa Angiulli l’a fait déjà dans son livre La pédagogie, la famille et l’État, que la plupart des autres moyens employés pour obtenir la transformation pacifique de la société, tels que les institutions de bienfaisance, l’initiative privée, les associations libres, ne sont que des expédients. Les efforts individuels et certains efforts collectifs, ou sont impuissants, ou aboutissent à l’anarchie. De même les expédients pédagogiques, avec cette circonstance aggravante que « sur le terrain de l’éducation surgissent de bien autres et de bien plus puissants motifs de limiter l’exercice de l’enseignement et de lui demander des garanties, motifs parmi lesquels le dernier n’est pas la reverentia magna quæ debetur pueris. » La conséquence naturelle, c’est que la direction suprême de l’éducation appartient à l’État, qui, dans un régime démocratique, n’est que la société même organisée et s’organisant pour une fin qui est le maintien et le développement de la vie sociale, considérée tant sous le rapport éthique que sous le rapport juridique et industriel. L’État est le grand éducateur national, et c’est dans les vérités pédagogiques principalement que cet organisateur du progrès universel doit chercher des inspirations et des lumières.

Il faut cependant se garder de surfaire le rôle de l’éducation. Elle est limitée par la nature de ses moyens et par la nature du sujet sur lequel elle opère. Considérée spécialement dans l’élément de l’organisme social, la plasticité ou ductilité de la nature humaine a des limites assez étroites. L’hominiculture n’est, à tout prendre, ni un songe ni une utopie. En effet, pour ange que nous voulions supposer l’homme, il ne cesse pas pour cela d’être une espèce animale. Malgré les exagérations de quelques naturalistes, psychologues et critiques d’histoire, on ne peut douter qu’étant tenu compte des différences typiques, l’art éducatif ne puisse agir sur l’esprit et le cœur de l’enfant de la même manière que les artifices des éleveurs agissent sur les végétaux et sur les animaux. L’éducation n’est au fond qu’une espèce d’adaptation successive et progressive, opérée par l’intelligence et par la main de l’homme et de la société sur les tendances et les fonctions individuelles. Mais au delà de certaines applications, comme celle qui apparaît dans le fait de la vocation ou dans la croissante réduction des effectifs scolaires, à partir de la petite école jusqu’aux institutions universitaires et techniques, P. Siciliani déclare qu’il n’y a plus de science. Vouloir transporter absolument sur le terrain pédagogique l’idée de la sélection implique la nécessité d’y transporter aussi les conditions