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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/469

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ANALYSES.p. siciliani. Storia critica, etc.

essentielles de cette sélection, et par suite ses effets, c’est-à-dire le conflit et la lutte, la survivance exclusive de certaines classes et de certains individus. On pourrait objecter ici, avec Mme Clémence Royer, que, par une sorte de sélection inconsciente, la protection que la charité a « accordée exclusivement aux faibles, aux infirmes, aux incurables, aux méchants eux-mêmes, a eu pour conséquence directe d’aggraver et de multiplier dans la race humaine les maux auxquels elle prétend porter remède, » tandis que rien ne tendait « à aider la force naissante, à la développer, à multiplier le mérite, le talent ou la vertu[1]. » Mais nous répondrons, avec P. Siciliani, que la sélection opérée par l’homme de plus en plus raisonnable ne doit pas ressembler absolument à la sélection naturelle et inconsciente. Elle doit être éclairée et bienfaisante à tous. La lutte et les conflits qu’elle ne peut manquer de soulever, puisqu’elle est sélection, parmi les membres de l’organisme social, doivent être faits avec le dessein prémédité que chaque monade sociale puisse aussi réagir, survivre, résister, s’améliorer, remplir son œuvre propre au sein de la société civile. Par-dessus tout, la sélection, devenue fonction sociale et instrument de progrès, doit éviter de se heurter contre l’imprescriptible loi de la liberté humaine, Par exemple, étant donnée la nécessité de fixer les caractères acquis, ou la nécessité de la transmission héréditaire, il ne serait pas impossible de rééditer plus ou moins ouvertement les violentes doctrines de certains philosophes grecs, soit Platon, soit même Aristote, qui, pour amener les effets de l’œuvre éducative, soumettaient le mariage à une réglementation des plus minutieuses et fixaient, par exemple, non seulement l’âge des époux, mais les circonstances, soit naturelles, soit artificielles de l’union sexuelle. Evitons ces exagérations des ultra-évolutionistes.

Après avoir fixé le genre de relation qui existe entre l’éducation et l’évolution, l’auteur se croit tenu d’indiquer les rapports généraux de la pédagogie avec les diverses sciences. Il y a, dit-il, un rapport de contenance et de réciproque dépendance entre la pédagogie largement comprise et toutes les branches de l’encyclopédie humaine. En premier lieu, la pédagogie a besoin de toutes les sciences, elle doit savoir les utiliser toutes, si elle ne veut se réduire à une simple didactique de l’enfance et de l’adolescence. Le pédagogue digne de ce nom doit posséder la matière de chaque science, les faits, les lois spéciales qu’elle étudie. C’est beaucoup dire : il est vrai toutefois que l’homme le plus capable d’enseigner sera toujours l’homme qui saura le plus de choses, à condition que les vices de sa méthode ne lui fassent pas perdre tous les avantages de sa science. En second lieu, il n’y a pas de science qui n’ait besoin de la pédagogie, pour peu qu’elle entende conserver dignité et valeur de science et rendre de véritables services à la société. La pédagogie, comme science et comme art, doit faire partie des fins et des moyens de tout savant, de tout écrivain, de tout orateur, qui est né-

  1. Préface de la traduction de l’Origine des espèces, 2e édition, p. lxv.