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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/496

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source de tous nos maux, de toutes nos misères, dans l’ordre des choses les plus belles et les plus élevées comme des plus vulgaires et des plus communes. D’où la nécessité de l’élévation religieuse au-dessus du fini, de l’élévation philosophique poursuivant un idéal de vérité, etc. Il en est de même de la vie esthétique, de la vie de l’imagination et de l’art. »

Certes, il n’y a rien à y contredire non plus, mais rien là qui n’ait été dit au sujet de l’idéal et du besoin de l’idéal inhérent à la nature humaine. C’est presque un lieu commun admis de toutes les écoles.

Quelle est la valeur et la légitimité de la vie esthétique ? Ce point que l’auteur examine aussi, lui fournit des réflexions également fort justes, mais dont la profondeur et l’originalité ne se laissent pas mieux apercevoir.

D’abord, dit M. Köstlin, il faut écarter la question de priorité. La vie esthétique n’est pas et ne peut être la première, primo vivere, deinde contemplari. L’industrie, la science, la religion, etc., sous ce rapport, ont le pas sur elle. D’ailleurs pas de civilisation, pas d’art. C’est l’erreur du romantisme de croire qu’on peut passer sa vie à regarder le bleu du ciel et se perdre dans un rêve perpétuel. Elle-même, la vie réelle, a son prix. Tout ce qui nous touche et nous intéresse y est compris ; elle est le théâtre de notre activité, l’école sérieuse et mâle de toutes les vertus. La vie de l’imagination la suppose. Mais il reste que la vie esthétique en soit le complément nécessaire. L’homme, on l’a dit, y prend la conscience pleine et entière de sa liberté. Cette élévation au-dessus du réel dans une région supérieure et plus sereine, est un impérieux besoin de sa nature intellectuelle et morale. La vie esthétique est un moment nécessaire de notre vie totale, dont l’importance et le prix sont par là manifestes. C’est par elle que nous obtenons le sentiment de la vie complète et parfaite auquel nous devons renoncer dans la vie réelle. Ce n’est donc pas un luxe ni une superfluité.

De plus, elle a en soi une valeur morale incontestable et : qu’on ne remarque pas assez. C’est qu’une haute activité, non négative, mais positive, s’y révèle. Cette activité qui s’y développe, qui sans elle resterait inerte, oisive, c’est précisément celle de notre imagination, l’activité que celle-ci contient et représente. Ce n’est donc pas un jeu oiseux, un repos, une distraction, une négation, mais bien une activité positive. Il y a là une puissance réelle qui passe à l’acte, qui s’exerce et se déploie librement ; c’est un élément intégrant, essentiel de la nature humaine et de l’esprit. De là la place de l’esthétique comme représentant cet élément, cette forme de l’activité intellectuelle parmi les autres parties de la philosophie. Elle