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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/510

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inférieures éclairciront cela. Entendons-nous d’abord sur ce mot de déterminisme ; les sauvages et les enfants, et la plupart des hommes chez qui nous trouvons cet état rudimentaire des devoirs ne connaissent évidemment pas le déterminisme scientifique ; toutefois, ils croient fortement à certains déterminismes spéciaux, à certaines influences exercées par une chose sur une autre. Ils s’attendent certainement à ce que certains faits en amènent d’autres, de nature bien déterminée, et éprouvent de la déception, de l’indignation si le fait attendu ne se produit pas. Ajoutons que pour eux le déterminisme n’est pas rigoureux ; pour eux, le fait doit se produire, mais il peut se faire qu’il ne se produise pas. Ce qui paraît naturel peut ne pas arriver. Il y a là un état d’esprit assez singulier, illogique, d’ailleurs ce qui n’a rien de surprenant.

Si nous plaçons dans l’attente et dans l’expérience la cause de l’idée d’obligation, il faut bien remarquer que cette expérience est souvent mal faite, que les faits observés sont très mal constatés, et souvent plus mal interprétés encore ; ce n’est pas le cours extérieur des événements qui détermine l’attente d’un fait, mais bien une idée subjective, dans bien des cas irrationnelle et bizarre, que la crainte, l’espoir, la faiblesse de la raison, mille circonstances particulières qu’il est impossible de déterminer empêchent de prendre pour ce qu’elle est et font prendre pour ce qu’elle n’est pas. Il faut donc s’attendre à ce que l’homme et l’enfant se trompent sur les lois naturelles ou morales et imposent souvent à la nature, à leurs semblables et aux êtres surnaturels des obligations dont ils ne peuvent s’acquitter. Il semble qu’en ce cas l’erreur devrait être aperçue et l’idée rejetée, et cela en fait arrive parfois ; mais on sait bien que l’expérience est souvent inutile, au moins pendant un temps fort long, pour corriger une idée qui s’est profondément enracinée dans un esprit, et qu’une foule de raisons particulières peuvent expliquer en apparence, pourquoi, dans certains cas, le fait attendu ne se produit pas.

Ceci peut servir à rejeter une autre objection que l’on pourrait élever et à laquelle d’ailleurs on répondrait de plusieurs manières. Les actes contraires à ce que nous considérons comme le devoir sont fréquents et l’ont toujours été ; on pourrait donc soutenir que ce à quoi nous devons nous attendre, c’est la non-réalisation du devoir, et que par conséquent l’idée d’obligation ne saurait avoir pour origine l’attente d’un acte. Il faut remarquer d’ailleurs que ce sont surtout les premiers degrés de l’idée d’obligation que nous examinons ici et que, comme M. Spencer l’a fait remarquer, cette idée ne s’est associée que plus tard aux sentiments moraux, « Il nous