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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/511

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paulhan. — l’obligation morale

importe beaucoup, dit le philosophe anglais, de remarquer ici que ce sentiment de coercivité s’est indirectement associé avec les sentiments regardés comme moraux. En effet, puisque les motifs politique, religieux et social de retenue sont principalement formés de la représentation des résultats futurs, et puisque le motif moral de retenue est principalement formé de la représentation des résultats futurs, il arrive que les représentations ayant beaucoup de points communs et ayant été souvent excitées ensemble, la crainte, jointe à trois d’entre elles, se joint par association à la quatrième. » Bien que la théorie que je défends ici diffère de celle de M. Spencer, sa remarque peut me servir.

Chez les peuples primitifs et chez ceux qui de nos jours encore présentent un état de civilisation peu avancée, nous trouvons des faits extrêmement importants qui dénotent bien l’état d’esprit que nous avons reconnu chez les enfants et qui permettent bien d’apercevoir la transition entre l’obligation imposée aux autres, comme résultat de lois naturelles en quelque sorte, l’obligation physique et l’obligation morale. Observons en passant que l’intérêt personnel paraît, dans la plupart des cas, jouer un grand rôle. Si une observation désintéressée a pu, comme nous l’avons vu, faire naître l’idée vague d’une séquence invariable de phénomènes, idée que l’association explique bien simplement, l’intérêt a souvent déterminé le mode particulier d’application de cette idée, en écartant certaines conceptions, en en retenant d’autres. Les phénomènes dont je parle sont les procédés de sorcellerie, la magie, toutes les tentatives faites pour déterminer au moyen de procédés spéciaux, parfaitement définis, certains actes des esprits dont l’homme peut ressentir la bonne ou la mauvaise influence. Dans ces procédés, on trouve tout à la fois, à l’état embryonnaire, la religion, la science et la morale. Je ne veux pas dire qu’on ne les trouve que là.

La magie paraît avoir été universellement répandue. « Toute religion, dit M. Maspero[1], a dû être à un moment donné une véritable sorcellerie, et toute opération du culte une opération magique ; il s’agit pour le croyant de mettre la main sur son Dieu, de l’obliger à faire ou à ne pas faire telle chose, de l’attirer dans un lieu déterminé ou de l’en écarter et cela par des rites et des paroles aux vertus mystérieuses. » M. Tylor s’exprime très nettement sur l’influence des rites. « Les rites, dit-il[2], fournissent le moyen d’entrer

  1. Notes sur différents points de grammaire et d’histoire, dans le Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptienne et assyrienne, vol.  I, p. 155.
  2. Tylor, Civilisation primitive, II, 468.