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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/522

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infidèle à sa méthode ; il accepte comme véritable une proposition qui ne porte pas avec elle la preuve de sa vérité, il fait une pétition de principe.

De plus, il remarque tout de suite après qu’il « peut prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et distinctement sont toutes vraies » [1] ; il admet donc l’évidence comme critère de la certitude, et c’est sur ce critère qu’il s’appuie pour démontrer l’existence de Dieu. Puis, Dieu trouvé, il ajoute : « Cela même que j’ai déjà tantôt pris pour une règle, à savoir que les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies, n’est assuré qu’à cause que Dieu est ou existe[2]. » Ainsi l’évidence sert à démontrer Dieu, et Dieu à son tour assure et garantit l’évidence. Le cercle vicieux semble indéniable.

La suite de pensées par laquelle Descartes croyait arriver à fonder une métaphysique présente donc au premier aspect un double vice logique, une pétition de principe au début, un cercle vicieux à la fin.

Si, pour trouver des explications, on a recours à ces Réponses aux objections si précieuses pour l’éclaircissement des points obscurs du Discours de la Méthode ou des Méditations, on tombe en des difficultés nouvelles. Descartes prévenu nie la faute logique et semble maintenant contredire les premiers textes. « Quand nous apercevons que que nous sommes des choses qui pensent, c’est une première notion qui n’est tirée d’aucun syllogisme, et lorsque quelqu’un dit : Je pense, donc je suis ou j’existe, il ne conclut pas son existence de sa pensée, comme par la force de quelque syllogisme, mais comme une chose connue de soi ; il la voit par une simple inspection de l’esprit : comme il paraît de ce que, s’il la déduisait d’un syllogisme, il aurait dû auparavant connaître cette majeure : « Tout ce qui pense est ou existe[3]. »

Et cependant Descartes, deux ans plus tard[4], écrira dans les Principes : « Lorsque j’ai dit que cette proposition : Je pense, donc je suis, est la première et la plus certaine à celui qui conduit ses pensées par ordre, je n’ai pas pour cela nié qu’il ne fallût savoir auparavant, ce que c’est que pensée, certitude, existence, et que pour penser il faut être, et autres choses semblables[5]. » On n’a pas besoin d’insister :

  1. Disc. de la méth., 4e part. , no 3, t.  I, p. 31.
  2. Loc. cit., no 7, t.  I, p. 36.
  3. Rép. aux II object., no 22, t.  II, p. 57.
  4. La première édition des Méditations parut avec les cinq premières séries d’Objections et les Réponses de Descartes en 1641 ; on commença en 1643 d’imprimer les Principes, et ils parurent eu 1644.
  5. Principes, 1re part. , no 10, t.  II, p. 232. Cf. ibid., no 7, t.  I, p. 230 : « Nous avons tant de répugnance à concevoir que ce qui pense n’est pas véritablement