Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/538

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
528
revue philosophique

faut qu’il existe, l’existence est comprise en son essence, « en même façon qu’il est compris en celle d’un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou en celle d’une sphère que toutes ses parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment, et par conséquent il est pour le moins aussi certain que Dieu, qui est cet être si parfait, et ou existe, qu’aucune démonstration de géométrie le saurait être[1]. »

Dieu existe donc, puisqu’il est parfait, et je tiens de lui mon être et toutes mes facultés, ma raison et mes sens. Cet être parfait ne saurait être trompeur ; mes idées ont donc la valeur même que leur attribuent mes facultés. Celles d’entre elles qui enveloppent la possibilité de leur être sont donc possibles ; et, si mes sens me poussent à les croire vraies, cette naturelle inclination ne peut non plus être fausse ; autrement Dieu aurait mis en moi une tendance à l’erreur dont il serait responsable. Les choses extérieures, que ma raison me représentait comme simplement possibles, sont donc réelles, j’en suis certain, j’ai pour caution la véracité même de Dieu.

« Le circuit de pensées par lequel Descartes va de sa propre existence à celle d’un monde réel en passant par l’existence de Dieu ne serait donc pas paralogique. De quoi s’agit-il en effet ? De prouver l’évidence ? En aucune manière. La clarté et la distinction des choses extérieures ne sont pas un instant mises en doute ; la possibilité de réalités correspondant à ces idées est acceptée par Descartes, de plain-pied et au même titre que la réalité du moi et la nécessité de Dieu. Ce qui fait question, c’est la légitimité de la tendance qui, sur la foi de la clarté et de la distinction dont leurs idées sont revêtues, nous porte à croire à ces réalités. Il y aurait cercle vicieux à raisonner comme Descartes, si les vérités qu’il enchaîne sortaient analytiquement l’une de l’autre, comme les articulations successives d’une démonstration logique. Telles ne sont pas, nous l’avons vu, la réalité du moi, la nécessité de Dieu, la possibilité des choses extérieures[2]. »

Et deux pages plus loin, M. Liard reconnaît que Descartes « invoque une fois encore l’existence et la perfection de Dieu » pour s’assurer que toutes les choses qu’il se souvient avoir autrefois dé montrées sont vraies.

Ainsi, point de cercle vicieux, Descartes ne fait appel à la caution divine que pour garantir l’existence réelle des choses extérieures et la vérité des démonstrations que la mémoire lui rappelle. Garantir la réalité des choses extérieures, voilà surtout, d’après M. Liard, le

  1. Discours de la méthode, 4e part. , no 5, t.  I, p. 34. Cf. Ve Méditation, no 3. Principes, 1re part. , no 14.
  2. Descartes, l. III, c. 2, p. 174.