Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
542
revue philosophique

Il est cependant difficile, psychologiquement parlant, de croire encore : à ce qu’on a appelé le sentiment de l’effort, après la solide et pénétrante analyse à laquelle M. William James a soumis cette notion[1]. Quant à la partie physiologique de la question, l’état actuel de la science sur ce point a été suffisamment indiqué dans l’étude que j’ai faite ici même du livre de M. Charlton Bastian, Le cerveau et ses fonctions, pour que je n’aie pas besoin d’y revenir[2]. — Ce que dit ensuite l’auteur de l’influence réciproque du sentiment et du mouvement est moins sujet à contestation, fort ingénieux d’ailleurs. On trouvera là des observations suggestives (pp. 470-474). Aussi bien les lecteurs de la Revue se rappellent sans doute le remarquable essai que M. Richet a publié ici sur l’influence des mouvements sur les idées[3].

La partie du livre qui renferme la physiologie des nerfs commence par un rapide historique. Cette histoire tient tout entière dans la pénible genèse et dans les lents progrès de l’idée dont nous sommes aujourd’hui en possession, à savoir que le système nerveux doit être considéré comme un appareil de direction générale et pour ainsi dire d’harmonisation de l’organisme, régissant le mouvement, la sensibilité et l’intelligence, idée qui a pour terme naturel et dernier la conception que la pensée aussi dépend de l’activité cérébrale. M. Richet indique brièvement les théories des principaux médecins de l’antiquité sur le système nerveux. Encore que cette revue soit très rapide, on peut regretter que l’auteur dise si peu de chose de Platon, dont les théories sur le cerveau, qu’il faut étudier dans le Timée, méritent sans doute d’être distinguées de celles d’Aristote. Assurément Platon, comme Aristote, fait du cerveau l’appareil destiné à loger et à produire la semence ; mais plusieurs passages du Timée montrent qu’il croyait que cet organe était aussi le siège des sensations et de la pensée. De toute l’antiquité, l’œuvre physiologique de Galien est la plus considérable, à ce point que sur les fonctions nerveuses on ne trouve plus rien d’important après lui, jusqu’à Legallois, Magendie, Ch. Bell. L’anatomie seule, au xvie siècle, fait de très grands progrès, qui bientôt faciliteront les recherches physiologiques. Voici en effet Descartes dont le profond génie a donné à la biologie moderne à la fois son explication et comme la devise de ses recherches par le mot de mécanisme. Que cette vue ait été inspirée à Descartes par ses idées métaphysiques, comme on le croit généralement, plutôt que par des expériences positives et par une conception vraiment scientifique[4], M. Richet n’avait guère à s’en soucier

  1. Voy. la Critique philosophique, 1881. M. Delbœuf a rendu compte, dans la Revue de novembre 1881, de l’étude de M. James.
  2. Voy la Revue de juillet 1882.
  3. 1879, 2e semestre, p. 610.
  4. Voyez la très forte étude de M. Victor Brochard sur le Descartes de M. Liard, dans la Revue de juillet 1882.