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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/556

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qui reparaît toujours, de la spontanéité vitale. Il convient de citer sur ce point les judicieuses remarques de M. Richet montrant que cette spontanéité est une illusion : « Ce qu’il y a de plus vraisemblable, c’est que, pendant la vie, une série d’excitations sensitives, faibles, incessantes, remontent vers les cellules nerveuses centrales et les maintiennent constamment dans un état de demi-activité réflexe. Les contractions musculaires, le contact de l’air et de l’oxygène avec le tégument externe, le contact de la paroi interne des vaisseaux avec le sang, les changements chimiques interstitiels des tissus, sont toutes excitations qui maintiennent la moelle dans un état tonique. Peut-être aussi cet état actif de la substance nerveuse dépend-il de la circulation du sang dans la moelle. Par suite de l’échange interstitiel qui s’y fait, il y a des changements rythmiques et incessants de la quantité et de la qualité du sang qui irrigue le tissu nerveux ; et ce sont peut-être ces changements qui stimulent la substance grise » (p. 684).

Mais si ces questions de dynamique nerveuse sont encore obscures, on connaît du moins assez bien les conditions suivant lesquelles s’exercent les actions réflexes. Parmi ces lois des réflexes, qui ont été établies par Pflüger, il y en a de fort importantes. C’est d’abord la loi de l’irradiation, en vertu de laquelle l’excitation d’une région sensible quelconque, au lieu de produire un mouvement dans les muscles du même côté, provoque aussi un mouvement dans les muscles du côté opposé, et même un mouvement de tout le corps. Ce fait a de graves conséquences au point de vue du rôle du système nerveux. « La moelle, remarque. M. Richet, en dispersant, généralisant, disséminant les excitations, relie les uns aux autres les divers tissus et les divers organes ; elle établit une harmonie entre des parties éloignées, de telle sorte qu’il y a une étroite solidarité entre les éléments différents très éloignés les uns des autres, qui constituent l’ensemble de l’être vivant. C’est parce qu’une excitation peut devenir le point de départ d’un mouvement général, qu’il y a une individualité, un tout, un être vivant, et non un assemblage factice de tissus vivants. De fait, chaque excitation retentit sur tout l’organisme, et c’est par l’intermédiaire du système nerveux » (p. 690).

La loi de la coordination des réflexes entraîne des conséquences encore plus importantes. Cette loi signifie que les mouvements réflexes ne sont pas indistincts, mais au contraire bien définis, limités à certains muscles et remplissant une fonction nettement déterminée. Quelques-uns de ces phénomènes trouvent assez facilement une explication : comme l’existence de centres moteurs dans la moelle est tout à fait plausible, il suffit d’admettre que certaines régions sensibles sont, par leurs nerfs sensitifs, en relation avec certains centres moteurs : ainsi l’excitation d’un centre inspirateur, s’il y a un tel centre, amènera un mouvement d’inspiration. Mais la question se complique quand il s’agit d’interpréter les expériences faites sur des animaux décapités, particulièrement sur les grenouilles ; sur ce point, les observations de Pflüger