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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/557

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ANALYSES.ch. richet. Physiologie des muscles et des nerfs .

et celles de M. Vulpian sont justement célèbres ; d’autres expérimentateurs ont obtenu des résultats analogues. M. Richet remarque avec raison qu’on ne peut expliquer ces faits en supposant simplement qu’il existe dans la moelle toute une série de centres nerveux moteurs, superposés et juxtaposés, car l’opération physiologique ne parait pas dans ce cas pouvoir être réduite à une transmission de l’excitation centripète aux cellules motrices ; il y a quelque chose de plus compliqué, comme une élaboration intellectuelle, comme une réflexion, dans le sens psychologique du mot, M. Vulpian croit que le pouvoir physiologique de la substance grise est plus complexe que ne l’indique le terme de pouvoir réflexe. Mais de quelle nature est ce pouvoir ? Admettra-t-on avec Pflüger, Auerbach, Robert Whytt, Paton que la moelle est douée de conscience, conscience vague sans doute, mais néanmoins pouvoir réel de perception qui lui permet de modifier ses réactions, suivant les excitations ? M. Richet semble répugner à cette théorie, certainement grosse de conséquences, puisque Hæckel en a fait un des fondements de son Essai de psychologie cellulaire. Il se contente de distinguer entre la coordination qui suffit à expliquer l’existence d’un centre moteur commun à tout un groupe de muscles, et l’adaptation, qui, lorsqu’elle ne consiste que dans un mouvement fatal, consécutif à une excitation péripherique, comme la toux, l’éternuement, rentre dans les faits de coordination, mais qui, lorsqu’elle varie suivant des conditions diverses, paraît raisonnée. C’est sur ce dernier point justement que M. Richet se refuse à conclure ; du moins, l’aveu d’ignorance par lequel il termine ne peut guère être pris pour une conclusion. On devine bien les raisons de cette réserve et qu’elle tient à une des meilleures qualités du savant, la prudence ; et pourtant le lecteur ne peut s’empêcher de regretter que la simple exposition des faits et des doctrines ne soit pas ici complétée par une large critique.

On éprouve encore un peu le même regret à propos de la discussion des théories faites, depuis Setschenoff, pour expliquer la suractivité des réflexes à la suite de l’ablation des centres nerveux supérieurs. Out sait que Setschenoff, après avoir enlevé les hémisphères cérébraux d’une grenouille, vit s’accroître dans une forte mesure l’excitabilité de la moelle ; il en conclut qu’il existe dans l’encéphale des centres modérateurs des actions réflexes de la moelle. Cette hypothèse s’accorde avec un certain nombre de faits d’observation journalière : pendant le sommeil, les actes réflexes sont plus énergiques ; chez les somnambules, l’excitabilité réflexe de la moelle est considérablement augmentée et l’action de la volonté, au contraire, presque supprimée ; d’autre part, un effort de volonté peut arrêter jusqu’à un certain point même des réflexes-types, comme la toux et l’éternuement. « Tous ces faits s’expliquent assez bien, dit l’auteur, si l’on admet qu’il y a antagonisme entre la moelle, qui préside aux réflexes, et l’encéphale, qui préside aux actions psychiques. Cet antagonisme fait que l’encéphale peut diminuer ou arrêter les mouvements réflexes » (p. 705). Telle est l’hypothèse. Elle