Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
revue philosophique

voyons tout en Dieu. » Parole profonde ! Penser, c’est ramener le particulier à l’universel, le fait à un tissu de lois, les lois mêmes à leur principe ; c’est rattacher ce qui parait à ce qui est, la diversité des sensations à l’unité de la pensée absolue. « Sans doute, dans notre état actuel, nous n’avons conscience d’aucune pensée qui ne soit empiriquement déterminée. Mais la pensée serait-elle encore pensée et se distinguerait-elle d’une simple reproduction matérielle des objets, si elle ne se saisissait elle-même, en déçà de ses déterminations, comme l’intelligible primitif, dont Le contact peut seul rendre les objets intelligibles. Et, si la liberté d’indifférence conserve toujours des partisans, en dépit de toutes les raisons du déterminisme, n’est-ce point parce que la liberté absolue est en effet le fond et la substance de toutes nos volontés, quelque déterminées qu’elles soient par leurs motifs ?.… Il y a en nous, en dehors de la conscience empirique des phénomènes, la conscience d’une pensée absolue, qui supporte toutes les pensées déterminées. Il y a au delà de toutes les défaillances de notre volonté la conscience d’une volonté infinie, qui n’est point par les conditions de notre existence en ce monde. Sans doute, cette pensée, cette volonté, nous ne les avons jamais saisies isolément ; la conscience en est nécessairement enveloppée dans toute pensée, dans toute volonté particulière. Mais ces pensées, ces volontés particulières ne méritent pas le nom que nous leur donnons, si elles ne reposent sur aucun fondement infini et absolu. La pensée comprend donc deux choses : des déterminations et le rapport de ces déterminations particulières au fond de l’existence qui n’est autre chose que la pensée absolue. Exister, c’est être rattaché à ce dernier fond des choses, et ce fond suprasensible nous est donné immédiatement, directement, comme le fond même de la connaissance[1]. » La dialectique, avec son double mouvement du sujet à l’objet, de l’objet au sujet, est un moment de la réflexion, elle en est comme la méthode ; elle prépare et en un sens elle contient la conscience pure du moi. Quoi qu’il fasse, l’esprit ne peut sortir de lui-même : c’est lui qui est l’espace et le temps, c’est la combinaison de ses lois avec ces formes à priori de la sensibilité qui fait apparaître le monde, c’est son existence et c’est son unité qui fondent l’existence et l’unité de l’univers. Nous voyons tout en Dieu ; ce qu’il y a de réel, c’est Dieu.

Gabriel Séailles.
(À suivre.)

  1. Logique, leç. XV et XVII.