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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/592

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d’actions et de réactions entre la pensée d’une part, la perception sensible de l’autre ; seul, Anaxagore accorde nettement à l’acte de l’esprit une liberté réelle en face des choses extérieures. Platon le premier reconnaît l’action synthétique de la conscience. Aristote ne va guère plus loin ; il distingue entre l’esprit passif et l’esprit actif, et voit dans la pensée consciente la synthèse des deux ; son école (Straton, Alex. d’Aphrodisée) ne fait que le suivre. Les Stoïciens conçoivent la conscience sous forme de sentiment de soi. Galien, avec sa remarquable méthode, détermine, vaguement encore, l’activité consciente de l’esprit. Plotin établit l’importance de son rôle, en lui donnant la connaissance de la nature pensante de l’âme et en en faisant ainsi le point de départ de sa spéculation. Le christianisme révèle la conscience morale.

Rehmke. 1o Les sophistes grecs et les sophistes contemporains. Funk-Brentano, Paris, 1879. — L’introduction donne des sophistes une définition que, dit Rehmke, l’auteur pourrait peut-être bien s’appliquer à lui-même. La première partie, qui traite de la sophistique grecque, tient trop peu de compte de la critique historique. — Il est à regretter que l’auteur ait laissé de côté la seconde époque, la philosophie du {xviiie siècle. La partie la plus originale est assurément la seconde, qui traite des sophistes anglais : il y a là une grande part de vérité et une discussion remarquable, parfois un peu vive. Le système de Spencer, considéré comme une construction toute de fantaisie, une pure hallucination, est brillamment critiqué. Les idées personnelles de l’auteur, semées dans l’ouvrage, sont souvent intéressantes. Rehmke souhaite que l’auteur continue ces critiques, auxquelles prêtent si bien nos positivistes modernes.

2o La science positive et la métaphysique. Liard, Paris, 1879. — Les kantiens doivent se réjouir de se trouver renforcés d’un nouvel adhérent aussi remarquable que M. Liard. Sa critique du positivisme anglais témoigne d’un grand talent, qui sait à merveille saisir les questions d’une main sûre et les poursuivre avec pénétration. La partie théorique du livre, faite tout entière du point de vue kantien, est d’un intérêt qui va sans cesse en grandissant. Le tout est rigoureusement enchaîné, clairement écrit, « plein d’éclairs de talent et riche en aperçus nouveaux ».

A. Krohn. À la mémoire de Hermann Lotze. — Esprit merveilleusement doué, sentant vivement l’harmonie et le plan de l’univers, et à la fois curieux des moindres détails de la science moderne, sincèrement réaliste en même temps que porté irrésistiblement aux conceptions métaphysiques, Lotze fut durant toute sa vaie partagé entre les études positives de sa jeunesse et ses tendances spéculatives. Il ne cessa de chercher la conciliation de ces deux directions opposées de sa pensée ; il ne parvint point à la trouver, et cette dualité fut sa force et sa faiblesse.

Il était monadologue, individualiste, mécaniste ; il avait un sentiment profond du réel, de la personne, qu’il tenait de ses maîtres favoris,