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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/593

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Leibnitz et Herbart ; et en même temps sa conception de l’unité du monde, du développement organique de l’humanité au travers de l’histoire l’attirait vers l’idéalisme de Schelling et de Hegel. Des points intelligibles d’une part, un infini substantiel de l’autre : la conciliation n’était point possible. — C’était un esprit méthodique, exact, rigoureux, disposant d’une science immense, et ayant à son service une langue incomparablement belle.

Bernhard Münz. La morale avant Socrate. — Héraclite le premier traite scientifiquement la morale. Pour lui, le bonheur idéal de l’homme est dans l’harmonie du devoir et de l’instinct : la moralité consiste dans l’accord de nos actes avec la raison universelle ; être sage, c’est dire la la vérité et agir conformément à elle. Ainsi d’Empédocle. Anaxagore conçoit la moralité indépendamment de nos penchants et de notre nature sensible ; il ordonne de faire le bien pour le bien. Démocrite est idéaliste en morale : le plaisir suprême, le souverain bien est pour lui la vertu ; elle domine les passions de l’âme, elle réalise en nous l’harmonie, le calme, l’ataraxie.

Protagoras, le premier des sophistes, proclame la subjectivité du bien ; sa doctrine, conséquemment tirée de ses principes, est celle que défend Calliclés dans le Gorgias : le souverain bien est la pleine satisfaction de nos désirs. Gorgias soutient que la vertu diffère selon les hommes, et, dans chaque homme, selon les moments de son existence. Prodicus nie la liberté ; la vertu, qui n’est que la mesure, ajoute au calme et au bonheur de notre vie. Hippias attaque les lois de l’État, qui varient selon les peuples et ne sont que des tyrans despotiques. Polus met le bonheur suprême dans la force, indépendante, affranchie de toute contrainte, et capable de réaliser tous ses moindres désirs.

Ed. de Hartmann. La conscience religieuse de l’humanité dans les degrés de son évolution. Berlin, 1882. — Les animaux, bornés aux instincts et aux besoins naturels, n’ont point le sentiment d’une puissance supérieure ; à l’état domestique leur manière d’être vis-à-vis de l’homme prend en une certaine mesure un caractère religieux.

Éveillée par la crainte et l’espérance, la conscience humaine voit d’abord dans la nature entière un tout animé : c’est l’hénothéisme, la religion primitive des Aryens ; l’être divin y revêt successivement un nombre infini de formes. Le jour où le mouvement s’arrête, où ces formes sont fixées, ce jour-là naît le polythéisme.

L’hellénisme engendre « une morale du goût, individuelle et eudémoniste » ; le peuple romain sacrifie l’égoïsme individuel à l’égoïsme national ; le Germain approfondit l’hénothéisme en un sens éthique et tragique : les dieux deviennent les moments de la conscience morale. Ainsi se fait la moralisation de la divinité, qui se morcelle d’abord dans les individualités sans nombre de la mythologie. L’unité se conserve cependant en Égypte et chez les Perses, et encore, comme résultat de l’anéantissement du monde, dans le bouddhisme. Enfin la grande doctrine judaïco-chrétienne est le monothéisme véritable.