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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/610

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Concluons en proposant cette importante loi psychologique : — La prétendue indétermination est une détermination d’équilibre et d’équivalence, c’est-à-dire d’égalité et de bipartition ; donc, tout est déterminé jusque dans la volonté en apparence indifférente, qui ne fait que ne pas se rendre compte de ce qu’elle veut déterminément. Plus nous voulons varier nos volitions pour en montrer l’indéterminisme, plus nous déterminons le milieu et les points d’application, plus nous enserrons notre volonté même dans les lois de ce milieu et de ces points d’application ; et ces lois finissent par devenir de plus en plus manifestes. En voulant agir sans rythme et sans symétrie, nous déterminons un rythme et une symétrie. — On voit combien il est faux de prétendre que l’hypothèse du déterminisme ne peut rendre compte de la répartition symétrique, de l’égale possibilité, de l’égale attente qui se manifestent dans les jeux de hasard ou les tirages au sort, et que d’ailleurs les mathématiciens ont mal expliquées[1].

Ce sont au contraire les partisans de la contingence qui ne peuvent rendre compte de l’attente égale répondant à des possibilités égales (comme celle d’extraire une boule blanche et celle d’extraire une noire) ! Voyons comment ils essayent, eux, de fonder le calcul des probabilités. Puisque, disent-ils, la loi des grands nombres, qui suppose des possibilités égales, s’applique « aux probabilités des phénomènes soumis à la volonté » dans les tirages au sort,

    dans une urne les renfermant en proportions égales. » Nous avons expérimenté sur plusieurs quotients de nombres quelconques, et nous avons remarqué une régularité analogue. Par exemple, la division de 145 par 21 donne 6, plus la fraction décimale périodique 9, 0, 4, 7, 6, 1, 9, 0, 4, 7 (= 47) ; 6, 4, 9, 0, 4, 7, 6, 1, 9, 0 (= 43) ; 4, 7, 6, 1, 9, 0, 4, 7, 6, 1 (= 45) ; etc., dont les trois premières dizaines ont exactement pour moyenne 45. D’autres fractions non périodiques ont la même moyenne approximative ; d’autres ont une moyenne supérieure ou inférieure, mais toujours régulière, par exemple 918 divisé par 421 amène une fraction qui, de dix chiffres en dix chiffres, donne pour totaux des nombres voisins de 37. Cela tient à des lois inconnues qui tantôt amènent tous les chiffres, tantôt en excluent certains.

  1. En quoi, pourrait-on demander à M. Renouvier, le rapport d’égalité, le rapport de 100 à 100 par exemple, serait-il incompatible avec la nécessité et la certitude ? Est-ce qu’il est défendu à la nécessité de produire des effets qui s’équilibrent, comme la puissance et la résistance d’un levier ? Est-ce qu’il n’y a pas des effets de neutralisation mutuelle jusque dans les rayons lumineux ? Rien de plus compatible avec le déterminisme que l’égalité. Quand on joue à pile ou face (et vous pourriez confier à une machine le soin de jeter les pièces en l’air), il est théoriquement certain que la relation d’équilibre et d’égalité s’établira à la longue, et, dans le cas particulier, il est pratiquement logique, eu égard non seulement à notre ignorance subjective du cas particulier, mais encore et surtout à notre connaissance objective du rapport général ou constant, d’agir en nous réglant sur cette relation d’égalité qui est la seule chose connue. Nous pourrons nous tromper pour un, deux, trois cas, non pour dix mille.