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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/62

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l’un des premiers effets des progrès de l’instruction et de la richesse, et l’un des mieux démontrés par la statistique comparée des divers départements, des diverses classes, des diverses nations mêmes, c’est qu’il en résulte une augmentation proportionnelle des méfaits contre les propriétés. Il est curieux de voir ainsi — entre parenthèses — la cupidité grandir avec la richesse, et, pareillement, de voir, au fur et à mesure des progrès de la vie urbaine, les relations sexuelles plus libres et plus multipliées, les passions sexuelles redoubler, comme l’atteste la progression énorme des délits contre les mœurs. Rien de plus propre que ces constatations statistiques, entre autres, à illustrer cette vérité capitale, qu’un besoin est surexcité par ses propres satisfactions.

Observons maintenant que, pour des raisons excellentes d’ailleurs, les chiffres indiqués plus haut ont trait aux accusations et non simplement aux condamnations. Or la proportion des acquittements depuis un demi-siècle, soit devant les tribunaux, soit devant les cours d’assises, ayant beaucoup diminué, l’abaissement de la grande criminalité si nous prenions pour base de son évaluation le chiffre des condamnations et non celui des accusations, nous apparaîtrait bien affaibli.

Remarquons en outre que la répression est loin d’être devenue plus sévère. Il est vrai que le personnel de la gendarmerie et de la police a doublé ; mais en revanche la magistrature s’est efforcée constamment de s’accommoder d’avance, de s’adapter, comme dirait un spencérien, à la faiblesse de mieux en mieux connue d’un jury de plus en plus imprégné du pseudo-libéralisme ambiant, de la sentimentalité émolliente dont bénéficient les criminels. « De peur d’un acquittement, » expression courante dans les parquets, les cabinets d’instruction et les chambres de mises en accusation, l’on voit le ministère public, les juges d’instruction, les conseillers se montrer chaque jour plus exigeants en fait de preuves, ce qui du reste est souvent fort louable. À cela tient la proportion sans cesse décroissante des affaires criminelles terminées par un verdict négatif. De 82 pour 100, les accusations entièrement rejetées par le jury ont passé par degrés à 17 pour 100. Puisqu’il est notoire que le jury n’est nullement plus rigoureux que par le passé, ce résultat ne peut être attribué qu’à la « scrupuleuse attention que les magistrats apportent de plus en plus à l’examen des affaires avant d’en ordonner le renvoi devant les juridictions compétentes ».

J’expliquerais volontiers par cette adaptation graduelle de la magistrature au jury la diminution réelle de certaines natures d’accusations que j’appellerai secondaires, des faux témoignages, par exemple, qui ont passé de 46 ou de 401 à 4 ou à 1. On ne s’avisera