Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/631

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


ANAXIMÈNE ET L’UNITÉ DE SUBSTANCE


I

LE CONCEPT DE L’INFINI

Dans mon dernier essai Pour l’histoire du concept de l’infini au vie siècle av. J.-C[1], j’ai passé sous silence le second « physiologue » milésien, Anaximène. C’est que d’une part les dates de sa vie sont, comme nous le verrons, assez incertaines pour qu’on ne sache en réalité à quel siècle il doit être rattaché, que d’un autre côté, s’il y a une question obscure, c’est celle du sens qu’il attachait au terme ἄπειρον.

Il ne s’agit pas de savoir comment cet attribut du principe unique du Milésien, l’air, était entendu par Aristote et Théophraste, de qui nous proviennent, plus ou moins directement, tous les renseignements sur son compte. À cet égard, il n’y a pas de doute ; pour les maîtres du Lycée, l’infini d’Anaximène, c’est l’absolument illimité suivant l’espace. Mais leur témoignage est le même en ce qui concerne Anaximandre, et nous avons tout autant de motifs de le récuser pour le second physiologue que pour le premier, car Anaximène admet, comme son précurseur, la révolution générale (diurne) de l’univers, inconciliable avec la notion de l’infinitude de la matière, ou de l’espace qu’il ne distinguait pas du lieu de celle-ci.

À la vérité, Ed. Zeller[2] soutient contre Teichmüller que l’éternel mouvement de l’air, dont parlent les textes, et qui serait l’origine de la genèse et de la destruction des choses, ne peut être la révolution diurne, et il se le représente plutôt comme un mouvement de va-et-vient. Mais sa raison décisive est précisément qu’il considère, lui aussi, la matière d’Anaximène comme illimitée ; or c’est ce que nous mettons en question.

Si, à la vérité, il n’y a pas de texte absolument probant pour la

  1. Revue philosophique, décembre 1832.
  2. La philosophie des Grecs, trad. Boutroux, tome I, p. 247, No 2.