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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/643

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TANNERY. — anaximène et l’unité de la substance

IV

l’influence du système

De tout le système cosmologique d’Anaximène, une seule conception, celle de la voûte céleste comme solide, était au reste destinée à un triomphe durable. Si l’on chercha plus tard à concevoir moins grossièrement la substance qu’on supposait établir une liaison entre les étoiles fixes, le caractère de cette liaison ne fut pas modifié, et la solidité de la sphère resta en réalité le postulatum fondamental de toute l’astronomie jusqu’à Copernic.

Mais il est singulier que dans le siècle qui suivit Anaximène, tous les « physiologues » de l’Ionie rejettent cette conception, tandis qu’elle est au contraire adoptée par tous les autres, par Parménide, par Empédocle, par les atomistes. Chez Parménide apparaît au reste la première et grossière ébauche du système qui, pour expliquer les mouvements des planètes, les supposa attachées à des sphères creuses, concentriques, et emboîtées les unes dans les autres ; c’est ce système que devait plus tard brillamment développer le mathémacien Eudoxe, dont le maître Archytas appartenait à l’école pythagoricienne.

S’il n’y a pas là, pas plus que dans des témoignages de date trop récente, des raisons suffisantes pour attribuer aux Pythagoriciens en général, comme est tenté de le faire Ed. Zeller[1], cette théorie des sphères solides, il n’en est pas moins certain que si l’on veut rechercher une origine à la doctrine de la solidité de la sphère des fixes chez Parménide et chez Empédocle, il convient de la chercher plutôt du côté de Pythagore que du côté d’Anaximène[2]. De même, la membrane (ὑμήν) qui, chez les atomistes, enveloppe et délimite chaque monde, a été évidemment imaginée dans un ordre d’idées tout différent de celui du Milésien.

Cependant Empédocle qui, à la différence de Parménide, avait, comme Anaximène, à expliquer la genèse du monde, semble avoir

  1. Traduction Boutroux, I, 387, note 1, d’après Alexandre d’Aphrodisias et Théon de Smyrne.
  2. La comparaison que fait ce dernier du mouvement de la voûte céleste à celui d’un bonnet, semble d’ailleurs indiquer que peut-être, fidèle en cela à la tradition chaldéenne, il ne considérait pas cette voûte comme fermée au-dessous de la terre.