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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/644

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suivi, pour la sphère solide, les traces de ce dernier. L’analogie, marquée par la comparaison faite, de part et d’autre, de la substance de cette sphère avec la glace (Κρυσταλλοειδῶς), mérite d’être poursuivie plus loin. À la vérité, elle peut être purement accidentelle, car la similitude du problème pouvait entraîner l’identité des solutions, sans qu’Empédocle connût les doctrines d’Anaximène. Néanmoins le rapprochement des deux opinions permettra de les éclairer l’une par l’autre.

La façon dont le Milésien expliquait la formation de la grêle et de la neige[1], ne peut nous laisser aucun doute sur la manière dont il se représentait l’origine du « crystal » de son ciel solide. C’était pour lui de l’air condensé et arrivé à la congélation après avoir partiellement[2] passé par l’état liquide. Mais comment cette condensation a-t-elle pu se produire, alors qu’il semble que le tourbillon général doit entraîner la dilatation à mesure qu’on s’éloigne du centre ? Comment cette congélation d’autre part peut-elle subsister lorsqu’en tant de points de la surface sont allumés les inextinguibles feux des étoiles ?

Anaximène n’avait pu certainement se dérober à cette double question, mais pour savoir comment il y répondait, nous sommes réduits aux conjectures. Cependant pour la première, il semble qu’une seule solution était possible, et qu’elle se trouvait précisément dans la croyance à la limitation de l’espace. Si les corps de nature terreuse qui se forment par la condensation à l’intérieur du tourbillon sont rejetés au centre[3] ou vers le centre, l’air arrêté dans son mouvement centrifuge par suite de la limitation de l’univers se condensera nécessairement vers la partie extrême du tourbillon et formera ainsi une voûte solide.

Cette solidification, due dès lors non pas au froid, mais bien à la pression, ne donnera pas de la glace (Κρύσταλλον), mais un corps analogue (Κρυσταλλοειδής), dont on peut comprendre l’existence à côté des feux stellaires. Cependant il faut expliquer comment ceux-ci s’alimentent. Anaximène admettait au moins pour le soleil, la lune et les planètes, que l’origine en était dans les vapeurs humides s’élèvant de la terre et se dilatant de plus en plus. Il conçoit donc, comme l’avait fait Anaximandre avant lui, et probablement aussi Thalès, un échange continuel de matière du ciel à la terre (pluie, grêle, neige),

  1. Hippolyt. philosoph. 7. Doxographi Græci, p. 561, 15-16.
  2. Partiellement seulement, sans quoi le corps solidifié eût été opaque comme la neige, non transparent.
  3. Anaxagore au moins admet que les astres obscurs ne circulent qu’au dessous de la lune.