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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/654

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des causes ; en sorte que, si le lecteur veut la suivre et jeter les yeux soigneusement sur tout ce qu’elle contient, il n’entendra pas moins la chose ainsi démontrée et ne la rendra pas moins sienne que si lui-même l’avait inventée…

« La synthèse au contraire, par une voie toute différente, comme en examinant les causes par leurs effets, bien que la preuve qu’elle contient soit souvent aussi des effets par les causes, démontre à la vérité clairement ce qui est contenu en ses conclusions et se sert d’une longue suite de définitions, de demandes, d’axiomes, de théorèmes, afin que, si on lui nie quelques conséquences, elle fasse voir comment elles sont contenues dans les antécédents, et qu’elle arrache le consentement du lecteur, tant obstiné et opiniâtre qu’il puisse être[1]. »

C’est l’analyse qui est recommandée dans la seconde règle du Discours de la méthode, et la synthèse qui est décrite et réglée dans la troisième. Ces deux procédés de la méthode sont encore décrits et prescrits dans la cinquième règle pour la direction de l’esprit : « Toute la méthode consiste dans l’ordre et la disposition des choses vers lesquelles il faut tourner l’attention de l’esprit pour trouver une vérité quelconque. Or nous observerons exactement cette méthode si nous réduisons par degré à de plus simples les propositions enveloppées et obscures, et ensuite si, par les mêmes degrés, nous nous efforçons de monter de l’intuition des choses les plus simples à la connaissance de toutes les autres[2]. »

L’analyse doit donc nous conduire aux choses les plus simples que l’intelligence saisit d’un seul coup d’œil, par intuition, sans avoir besoin d’opérer aucun mouvement discursif. Ces choses simples, Descartes les appelle des natures simples et pures ou encore des absolus[3]. « Tout le secret de l’art dans l’analyse consiste donc à considérer attentivement en toutes choses ce qu’il y a de plus absolu[4], » c’est-à-dire ce qui est véritablement simple, qui ne peut être considéré comme composé au regard de choses plus simples. C’est de ces natures simples et générales que doit repartir après le mouvement synthétique pour reconstituer la complexité des choses, afin de s’assurer par cette opération inverse que l’analyse a été bien faite. L’analyse même ne donne pas à elle seule la science, car de prémisses vraies on peut tirer une conclusion fausse ; il faut que la

  1. Rép. aux IIes object., nos 51-53, t.  II, p. 71.
  2. T. III, p. 71.
  3. Reg. VI, no 27. « Absolutum vero quidquid in se continet naturam puram et simplicem, de qua est quæstio. » (T. III, p. 73).
  4. Ibid., no 29.